Artificialisation des terres, pollution de l’air et de l’eau, financements du terrorisme… Les accusations contre la multinationale Lafarge-Holcim donnent le tournis. Pour lutter contre cette entreprise qui «représente à elle seule le monde tentaculaire et criminel du béton», plus de 150 organisations écologistes et sociales, regroupements paysans et syndicats ont décidé de se mobiliser partout en France lors de «journées d’action», du 9 au 12 décembre, de Paris à Nantes, en passant par Lyon, Bordeaux et Marseille. Des dates qui coïncident avec l’anniversaire dimanche 10 décembre de l’action emblématique contre la cimenterie de Bouc-Bel-Air, dans les Bouches-du-Rhône, en 2022.
«Ce sont plus de 470 sites toxiques en France qui pourront être la cible de manifestations publiques, messages peints, intrusions, sit-in, blocages ou occupations», font savoir les organisateurs de cette mobilisation à laquelle participent les Soulèvements de la Terre, Extinction Rebellion, Youth for Climate, ou encore Attac. Les forces de l’ordre ont ainsi dispersé plusieurs dizaines de manifestants, venus ce lundi 11 décembre avec des tracteurs devant un site Lafarge à Saint-Herblain (Loire-Atlantique). Les militants vêtus de combinaisons blanches à capuche, le visage masqué, s’étaient réunis lundi matin sur un rond-point où ils ont été entourés par un important dispositif des forces de l’ordre. Des inscriptions «attention cimenterie» et «béton armé» ont été inscrits à la peinture rouge sur des panneaux de signalisation routière.
«Scandales sociaux et environnementaux»
Dimanche, les militants ont occupé le site parisien du cimentier dans le cadre d’une «kermesse des terres contre le béton». Ils ont accroché une bannière «dindons de Lafarge» sur l’un des engins du cimentier. A Angers, un mur en paille a été érigé et une grande banderole «Lafarge crapule, la Terre brûle» a été déployée samedi devant l’entrée d’un site du groupe. Dans le Tarn, où les travaux de la très contestée autoroute A69 ont commencé, entre 800 (selon la préfecture) et 1 800 personnes (selon les collectifs) ont manifesté contre la construction de deux usines d’enrobage à chaud.
L’accès à un site Lafarge de Val-de-Reuil (Eure) a aussi été forcé dimanche en milieu de journée par une centaine de personnes «cagoulées et masquées», selon le sous-préfet de Bernay qui affirme que le gardien des lieux a été «séquestré» dans une pièce jusqu’à l’intervention de la police une dizaine de minutes plus tard. «Personne n’a été séquestré durant cette action de 10 minutes montre en main qui ne visait pas des individus, mais une filière industrielle écocidaire», ont réagi des participants à la manifestation. Une enquête a été ouverte.
Enquête
La campagne est «inédite de par son ampleur et la diversité des associations, collectifs et mouvements impliqués», se félicitent les organisateurs, qui précisent que «la multinationale franco-suisse n’a pas été choisie par hasard». En France, en Syrie, en Russie, en Indonésie, mais aussi au Cameroun, Lafarge-Holcim «est entachée par un nombre incalculable de scandales sociaux et environnementaux faisant des milliers de victimes de par le monde», assure le communiqué des militants. L’ancien patron de la multinationale du ciment a d’ailleurs été mis en examen pour «financement d’entreprise terroriste» et «mise en danger» de ses salariés, alors que son entreprise est accusée d’entretenir des relations financières avec Daech.
Les activistes écologistes assurent également que le groupe est une «force motrice de l’artificialisation des terres, d’extensions de carrières et de pollution de l’air et de l’eau par le biais de ses cimenteries et centrales à béton». Le béton représente en effet à lui seul 2,4 % des émissions françaises de gaz à effet de serre, selon les données du Shift Project, une association qui œuvre en faveur de la transition énergétique. Au niveau mondial, la production de ciment et de béton représente 8 % des émissions de CO2, plus que le transport aérien et le transport maritime réunis.
Des militants écologistes occupent un site du cimentier Cemex à Paris.
— Luc Auffret (@LucAuffret) December 10, 2023
Action des Soulèvements de la Terre contre Lafarge et le monde du béton. pic.twitter.com/TmHyTLoe8c
Ces journées de mobilisation interviennent donc à la date anniversaire de l’action emblématique contre la cimenterie de Bouc-Bel-Air, dans les Bouches-du-Rhône. Le 10 décembre 2022, environ 200 activistes se sont introduits dans cette usine de Lafarge, détruisant une partie du matériel à coups de masses et de marteaux. La cimenterie, particulièrement émettrice et momentanément mise à l’arrêt par les militants, fait toujours partie des 50 sites industriels prioritaires à décarboner selon le gouvernement.
Sur son site repeint tout de vert, Lafarge vante ses «solutions constructives innovantes pour la construction durable et l’économie circulaire», assure s’engager pour «la transition écologique» du secteur en proposant des «ciments et bétons bas carbone». Enfin, le groupe entend aider le monde de la construction à «être neutre en carbone, circulaire, avec un impact positif sur la biodiversité et les communautés». Tout un programme.