Des panaches noirs qui dégueulent dans le ciel, et des langues de flammes s’échappant de navires dont on ne distingue ni le début ni la fin, tant l’épaisseur de la fumée obstrue la vue. Les images diffusées par les chaînes de télévision britanniques de l’accident survenu ce lundi 10 mars entre un pétrolier et un cargo en mer du Nord, au large des côtes nord-est de l’Angleterre, sont impressionnantes. Quelques heures après la collision, et alors que du kérosène a été relâché par le tanker, les garde-côtes britanniques mentionnaient déjà une «évaluation en cours» pour décider des «mesures de lutte contre la pollution probablement nécessaires».
L’accident, signalé peu avant 10 h 50, est intervenu à une vingtaine de kilomètres des côtes du Yorkshire et du port de Grimsby. Il implique le pétrolier alors à l’ancrage Stena Immaculate, battant pavillon américain et exploité par l’entreprise Crowley, faisait partie d’un programme visant à disposer de navires capables de transporter du pétrole pour l’armée américaine. Le navire «était temporairement affrété» par la marine, selon un porte-parole du commandement de transport maritime de la Navy, qui dépend du ministère américain de la Défense. Le deuxième navire, dont les images en mouvement du site Marine traffic suggèrent qu’il s’est dirigé droit sur le Stena Immaculate, est le porte-conteneurs Solong, propriété de la compagnie maritime allemande Ernst Russ, sous pavillon portugais. D’après le site spécialisé Vessel finder, ce dernier devait rejoindre Rotterdam, aux Pays-Bas, après avoir quitté le matin même le port de Grangemouth, en Ecosse.
Opérations de secours
Plusieurs explosions ont retenti et un réservoir qui contenait du kérosène a été brisé, a expliqué l’entreprise Crowley. Après la collision, une zone d’exclusion aérienne et maritime a été établie. Un hélicoptère des garde-côtes, des canots de sauvetage et des navires équipés pour lutter contre les incendies ont participé aux opérations de secours des équipages. D’après le directeur du port de Grimsby, Martyn Boyers, trente-deux blessés ont été amenés à terre, où les attendaient des ambulances. L’ensemble de l’équipage du Stena Immaculate est «en sécurité». Lundi soir, le propriétaire du cargo communiquait la disparition d’un membre de son équipage.
A l’heure actuelle, les causes de la collision sont inconnues. «Quelque chose a mal tourné, de manière très grave», explique au Guardian David McFarlane, un consultant indépendant en sécurité maritime. Pour comprendre ce qu’il s’est passé, prévient l’expert, il faudra attendre que les enquêteurs de la branche d’investigation des accidents maritimes puissent embarquer à bord des navires et récupérer les enregistreurs de données. Mais, prévient-il, il faudra «des semaines, voire des mois, pour arriver à une conclusion définitive».
«Grande inquiétude»
Face au choc des images, l’antenne britannique de Greenpeace a partagé sa «grande inquiétude» tout en rappelant qu’il était encore «trop tôt pour évaluer l’étendue des dommages environnementaux». Une prudence partagée par Nicolas Tamic, adjoint au directeur du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux. «Le pétrolier avait à son bord du “jet A1”, une sorte de kérosène que l’on met généralement dans les avions de ligne, précise à Libération cet ancien officier de la marine. Plus léger que le kérosène classique, il est aussi beaucoup plus inflammable, ce qui explique le panache de fumée très important observé au-dessus des deux navires.»
Pour le spécialiste, cet «incident très rare» est susceptible de générer une pollution «plus atmosphérique que marine». Bien qu’il «reste très toxique et dangereux pour la santé humaine», le jet A1 n’est pas considéré comme un fioul persistant dans l’environnement marin. Plusieurs interrogations demeurent, notamment sur les risques de pollution engendrée par la cargaison du porte-conteneurs. Le navire Solong transportait, entre autres, quinze conteneurs de cyanure de sodium (un composé hautement toxique), relève un rapport de Lloyd’s List Intelligence, cité par l’agence Reuters. Enfin, le troisième élément problématique concerne le fioul de propulsion du pétrolier et du porte-conteneurs, pointe Nicolas Tamic : «Ces deux navires semblent trop petits pour générer une marée noire à proprement parler. Toutefois, le fioul qu’ils utilisent peut être plus lourd et persistant dans l’environnement. Il faudra suivre de près leur évolution s’il n’est pas soumis à l’incendie. Si le feu en cours consomme ces produits, cela limitera l’impact sur le milieu marin.» Mis à jour : à 21h55, avec la disparition d’un membre du Solong