Une nouvelle opération d’interpellation de militants écologistes en France. Ce lundi 8 avril, dix-sept personnes suspectées de s’être introduites et d’avoir dégradé l’une des cimenteries Lafarge en décembre ont été interpellées et placées en garde à vue, selon le procureur d’Evreux. Le 10 décembre, lors d’une journée nationale de mobilisation des activistes climatiques contre les cimentiers, une centaine de personnes cagoulés ont forcé l’accès sur le site industriel de Val-de-Reuil, dans l’Eure. «En début de matinée, les services d’enquête saisis ont procédé à l’interpellation de 17 personnes, suspectées d’avoir fait partie des auteurs des faits», a notifié le procureur Rémi Coutin dans un communiqué.
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Parmi les interpellés, seize l’ont été en Normandie, et un en Seine-Saint-Denis. Tous sont majeurs, précise le communiqué. «Vêtues de combinaisons blanches, les visages dissimulés et porteuses de gants», selon la même source, ces personnes avaient empêché l’agent de sécurité de sortir de son local avant de se livrer à «d’importantes dégradations». Estimées à plus de 450 000 euros, elles se résument à de la mousse expansive pulvérisée à l’intérieur de plusieurs appareils, du béton dans une arrivée d’eau, un contenant de billes de polystyrène et des sacs de ciment éventrés, ou encore des vitres brisées. Le tout accompagné de tags «demain sera sans béton ou ne sera pas», «Lafarge terroriste» -le géant du ciment est suspecté d’avoir financé des organisations djihadistes en Syrie, dont l’Etat islamique-, «le béton tue» et du symbole des Soulèvements de la Terre, précise le parquet.
Dans un communiqué de soutien aux personnes interpellées, une trentaine d’organisations écologistes nuancent ce récit, en parlant d’une «intervention, durant une dizaine de minutes» de militants ayant fait usage de «peinture» et de «mousse expansive». «La police antiterroriste était intervenue sur les lieux sous prétexte d’une soi-disant “séquestration” expresse d’un agent de sécurité. Ce storytelling répressif s’était rapidement dégonflé par la suite», affirment les associations.
«Ecraser par la force l’essor des mouvements écologistes»
Les activistes avaient pris la fuite «à l’arrivée d’une patrouille de police du commissariat de Val-de-Reuil en bousculant les policiers» qui n’avaient pas pu les interpeller. Une enquête avait été ouverte pour séquestration, destructions ou dégradations graves en réunion, participation à une association de malfaiteurs et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique sans incapacité. Elle est confiée à la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la direction nationale de la police judiciaire et la direction territoriale de la police judiciaire de Rouen.
Pour aller plus loin
Les organisations écologistes, elles, dénoncent «l’usage récurrent des moyens de l’antiterrorisme pour diaboliser spécifiquement les mobilisations qui menacent les intérêts des lobbys industriels». Et d’évoquer «l’entêtement du gouvernement à écraser par la force l’essor des mouvements écologistes» et «l’expansion des moyens de surveillance débridée sur un large ensemble de militant.es». Un rassemblement en soutien aux interpellés se tiendra à Rouen ce mardi, ainsi qu’à Levallois-Perret, devant les locaux de la SDAT.
Ce n’est pas la première fois que les sites industriels du groupe Lafarge sont pris pour cible par les militants écologistes. En décembre 2022, plus de 200 activistes munis de blouses blanches avaient détruit du matériel à coups de masses et de marteaux, entraînant l’arrêt de l’usine de Bouc-Bel-Air, dans les Bouches-du-Rhône. Une quinzaine d’entre eux avait été interpellée. Les organisations en faveur de l’environnement pointent du doigt la responsabilité des cimentiers dans la crise climatique. La production de ciment et de béton représente en effet 8 % des émissions de CO2 mondiales, plus que le transport aérien et le transport maritime réunis.