C’est Noia Limpa, une association galicienne consacrée à la protection du littoral de cette région du nord-ouest de l’Espagne, qui tire la sonnette d’alarme depuis la mi-décembre. Plus de 52 sacs remplis de granulés plastiques ont été retrouvés sur ses côtes préservées. Chacun des sacs peut contenir jusqu’à un million de ces petits morceaux de plastique, ce qui explique leur concentration importante. La baie de Ria de Muros y Noia, située à l’ouest de Saint-Jacques-de-Compostelle et à quelques dizaines de kilomètres au nord de la frontière portugaise, serait la plus touchée.
«Noia Limpa sait que nous travaillons beaucoup sur la problématique des pellets à l’échelle européenne donc ils nous ont contactés rapidement», explique Lionel Cheylus, responsable relations médias à la Surfrider Foundation, une association internationale chargée de la protection et la mise en valeur des milieux aquatiques. Après un déplacement sur place, l’organisation alerte sur la présence d’une véritable «marée blanche» sur le littoral galicien. Grâce à ses bénévoles, elle a pu déterminer que les sacs proviennent d’une entreprise basée en Pologne, Bedeko Europe, spécialisée dans les mélanges-maîtres (concentrés de couleur sous forme de granulés en plastique) et les additifs pour plastiques.
Rôle du grand public
Ces granulés plastiques sphériques, qui mesurent en général moins de cinq millimètres, sont utilisés comme matière première dans la fabrication de produits en plastiques. Mais à la suite de pertes tout au long de la chaîne d’approvisionnement, notamment lors du transport, ces microbilles se déversent parfois dans l’environnement, où ils sont très difficiles à éliminer compte tenu de leur taille et leur mobilité. Selon la Surfrider Foundation, six conteneurs ont été récemment déclarés perdus au large du Portugal, dont un qui contenait des granulés. L’association estime qu’entre 50 000 et 185 000 tonnes de granulés sont perdus chaque année dans les eaux européennes. «Ce sont des plastiques pleins d’additifs qui contaminent les espèces marines», insiste Lionel Cheylus.
Maria Ballesteros, de Surfrider en Espagne, poursuit sur le rôle que peut jouer le grand public dans la protection des côtes : «Chaque fois que vous trouvez un sac contenant des granulés, il est très important que vous signaliez l’endroit exact où il se trouve. Il faut ensuite prendre des photos des sacs sous tous les angles, surtout s’ils mentionnent une source et un numéro de lot.» Surfrider invite les personnes qui trouveraient un sac à le déplacer délicatement à l’abri de la marée montante et à le signaler à la municipalité afin qu’il soit récupéré et jeté.
Un camion poubelle chaque minute
La présence dans l’environnement de ces produits issus de la pétrochimie est documentée depuis des décennies, mais ce n’est que récemment que la gravité du problème de la pollution aux microplastiques a été prise en compte et médiatisée. L’organisation environnementale Surfrider souligne que la perte des conteneurs en mer est mal documentée par l’Organisation maritime internationale et qu’il n’existe pas suffisamment de sanctions en cas de perte d’un conteneur en mer.
Dans son dernier rapport annuel, publié en mai, le World Shipping Council, qui regroupe les transporteurs maritimes, indique que seuls 661 conteneurs ont été officiellement déclarés perdus en mer en 2022, un chiffre très bas par rapport à la moyenne annuelle, qui tourne autour de 1 500. De leur côté, les associations environnementales estiment que les pertes sont au moins dix fois plus nombreuses, avec entre 10 000 et 15 000 boîtes métalliques de plusieurs tonnes perdues en mer chaque année.
Le 16 octobre, la Commission européenne a proposé pour la première fois des mesures visant à prévenir la pollution par les microplastiques due au rejet involontaire de granulés plastiques. Par la mise en place de meilleures pratiques de manipulation et d’un suivi renforcé des pertes, la Commission vise une réduction de 30 % des rejets d’ici à 2030. Un programme qui n’est pas suffisamment ambitieux pour Lionel Cheylus : «Ce qu’on demande, c’est une législation européenne forte afin de prévenir ces pollutions et que nous n’en trouvions plus sur nos littoraux.»
Selon la fondation Ellen McArthur, au moins 8 millions de tonnes de plastiques sont déversées dans les écosystèmes marins chaque année. Soit le contenu d’un camion poubelle chaque minute.