Les actionnaires de Shell pris d’une subite prise de conscience écologique ? Régulièrement pointés du doigt pour leur responsabilité dans le changement climatique en finançant massivement l’industrie pétrolière et gazière, certains actionnaires tentent de reverdir leur image. Vingt-sept investisseurs de l’entreprise anglo-néerlandaise Shell ont accepté de soutenir une résolution climatique, portée par une organisation d’actionnaires activistes du climat nommée Follow This. Avec le vote de cette résolution lors de la prochaine assemblée générale du groupe, ces investisseurs en profiteront pour demander des comptes – environnementaux, pour une fois – à Shell, en contraignant le méga-pollueur à aligner ses objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre sur l’accord de Paris.
Et ce ne sont pas n’importe quels actionnaires. Les investisseurs, dont le géant français de la gestion d’actifs Amundi, représentent un total de 3 900 milliards d’euros d’actions de Shell, soit 3,4 % du capital de la major. De quoi mettre une certaine pression au géant des hydrocarbures. Déjà déposée l’année dernière lors de la précédente assemblée générale de Shell, la résolution avait reçu 20 % de votes favorables de la part des actionnaires.
Shell n’est pas la seule multinationale pétrolière à subir une révolution climatique dans ses rangs : en mai, 30 % des actionnaires de TotalEnergies avaient voté le texte de Follow This, afin de réclamer des objectifs plus ambitieux que ceux fixés par le conseil d’administration de la compagnie.
Pour aller plus loin
Cette année, la résolution du groupe d’actionnaires prévoit que Shell «aligne ses objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, y compris celles liées à l’utilisation de ses produits, à moyen terme avec l’objectif de l’accord de Paris». Le texte grave dans le marbre l’objectif de «limiter le réchauffement climatique à 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels» et de «poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation des températures à 1,5 degré». Pour le conseil d’administration de Shell, la résolution de Follow This, quasi identique à celle de l’année passée, est «irréaliste et simpliste», et aurait «des conséquences négatives pour [ses] consommateurs» et serait «contraire aux intérêts de l’entreprise et de [ses] actionnaires». Soit dit en passant, le changement climatique a, lui aussi, des conséquences négatives sur les êtres vivants de cette planète.
Et certains semblent en avoir pris conscience. En associant vingt-sept investisseurs de Shell au dépôt de la résolution, le fondateur de Follow This, Mark Van Baal, espère que d’autres actionnaires suivront le mouvement et voteront en faveur du texte. Pour lui, «les grands actionnaires possèdent la clé pour s’attaquer à la crise climatique grâce à leurs votes aux assemblées générales», dont la date pour celle de Shell n’est pas encore connue.
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De son côté, Shell indique que le groupe va publier début 2024 une mise à jour de sa stratégie de transition énergétique. Alors que le géant des énergies fossiles avait présenté en 2021 des objectifs de réduction de sa production pétrolière de 1 % à 2 % par an, Shell a fini par rétropédaler. En juin, le groupe a annoncé que sa production de pétrole resterait «stable» jusqu’en 2030, son directeur général estimant que réduire la production d’hydrocarbures actuellement serait «dangereux et irresponsable» et pourrait faire à nouveau flamber les factures. Il a également affirmé que le monde avait encore «désespérément besoin de pétrole et gaz» car le virage vers les énergies renouvelables n’était pas assez rapide pour les remplacer.
Une intuition récemment contredite par le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie, publiée jeudi 11 janvier. Au cours de l’année 2023, le monde a installé 50 % d’énergies renouvelables en plus par rapport à 2022, avec la mise en service de 507 gigawatts de capacités électriques, issues pour les trois quarts du secteur solaire photovoltaïque. Outre ce constat réjouissant, l’AIE anticipe pour les cinq ans à venir la «plus forte croissance» jamais vue en trente ans. «Dans les conditions de marché et en l’état des politiques actuelles, la capacité mondiale serait multipliée par 2,5 d’ici à 2030», chiffre le directeur de l’AIE. De quoi permettre aux entreprises pétrolières et gazières de prendre, de fait, le virage des énergies renouvelables.