Utilisé dans environ un tiers des produits cosmétiques, ce produit est de longue date dans le viseur des autorités sanitaires. La France appelle l’Union européenne à réduire drastiquement dès 2027 l’utilisation de l’octocrylène, un filtre UV, afin de protéger l’environnement, confirme à Libération ce jeudi 2 octobre l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui a instruit ce dossier à la demande du ministère de l’Environnement.
«Chaque année, plus de 1 500 tonnes d’octocrylène sont utilisées» dans les crèmes solaires, maquillages ou encore parfums. Elles contaminent les milieux aquatiques et les sols ce qui entraîne «des risques inacceptables» pour «la reproduction et la croissance des espèces aquatiques» telles que les crevettes, poissons et algues, ainsi que les organismes «terrestres», fait valoir l’Anses.
Nocif pour la santé humaine
En plus des effets nocifs sur les espèces aquatiques et les sols, la substance toxique qui s’accumule et persiste dans l’environnement dans des quantités très élevées, suscite des inquiétudes pour la santé humaine. L’Anses alerte sur les éventuels effets toxiques pour la thyroïde et la reproduction. De même, l’octocrylène pourrait bien constituer un perturbateur endocrinien – mais les industriels n’ont pas fourni à temps les données requises pour évaluer ce dernier risque, a précisé l’agence, qui scrute la substance depuis 2012.
C’est dans le cadre du règlement européen REACH – entré en vigueur en 2007 pour protéger la santé humaine et l’environnement des risques présentés par les substances chimiques –, que l’Anses a élaboré, au nom de la France, cette proposition visant à «réduire drastiquement» la concentration maximale autorisée de l’octocrylène dans les cosmétiques, jusqu’ici limitée à 10 %.
Si «on en retrouve des quantités importantes», «les rejets dans l’environnement sont multiples» et dépendent «des types de produits, des volumes de vente», explique à l’AFP Stéphane Jomini, chef de projet scientifique à l’Anses.
Surcoûts «modérés» pour une alternative
A l’avenir, les restrictions demandées par la France - l’Etat rapporteur dans ce dossier - devraient aboutir «en pratique à la suppression de la mise sur le marché» de cosmétique contenant la substance nocive. Avec quels impacts économiques ? L’agence juge «modérés» les surcoûts induits par une fabrication des produits solaires avec une «association de substances» alternatives : 39 millions d’euros par an de 2027 à 2036, soit 0,04 % des ventes de produits cosmétiques en Europe en 2023. Karine Fiore, directrice adjointe à la direction des sciences sociales de l’Anses, estime qu’au regard des «marges actuelles des fabricants sur ces produits, ces coûts seraient absorbés sans trop de difficultés».
Côté consommateur, les éventuelles hausses des tarifs sont largement acceptées. Selon une enquête réalisée auprès de 7 200 personnes dans 6 pays européens, le prix qu’ils sont prêts à payer «dépasse largement les coûts engendrés par la restriction», attestant de «la volonté des Européens à agir pour améliorer la qualité des environnements aquatiques», résume Karine Fiore.
Les deux comités de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) devraient rendre leurs avis en septembre 2026 permettant à la Commission européenne de trancher sur l’application de cette restriction dans l’UE, au plus tôt en 2027.