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Troposphère

La pollution à l’ozone ne connaît pas de frontières

Selon une étude, la pollution à l’ozone en Europe provient en grande partie de la production de pays voisins. Les chercheurs plaident pour réglementation internationale.
Lors d'une manifestation pour le climat à Amsterdam, vendredi. (Romy Arroyo Fernandez/NurPhoto. AFP)
publié le 3 juin 2024 à 18h24

Le problème de la qualité de l’air ne peut pas se régler à l’échelle nationale. Le chercheur à l’Inserm et au Barcelona Institute for Global Health (ISGlobal) Hicham Achebak illustre ce fait dans une étude parue ce lundi 3 juin dans la revue Nature medicine. Il s’est intéressé, dans 35 pays d’Europe, aux morts à liés à l’ozone présent la troposphère, la plus basse couche de l’atmosphère. A ne pas confondre avec la fameuse couche d’ozone, située entre 20 et 40 kilomètres d’altitude, qui nous protège des rayons UV du soleil. «Nous avons constaté que seule une petite partie des décès attribuables à l’ozone (O3 en chimie, ndlr) était due à des sources nationales (11,7 %)», écrit-il dans son article. L’essentiel de la mortalité est associé à l’ozone importé depuis les pays situés à «l’extérieur du domaine européen (56,7 %)».

Le problème est de taille. L’étude lie l’ozone à 114 447 décès en Europe au cours de la période 2015-2017. Soit beaucoup plus que certaines études précédentes. L’agence européenne de l’environnement, en 2015, estimait la mortalité liée à l’ozone autour de 32,6 morts par million d’habitants, quand l’étude de Hicham Achebak tourne plutôt autour de 74,5 morts par million.

On sait que respirer de l’ozone n’est pas une bonne chose pour la santé. Asthme, infections, bronchopathie pulmonaire obstructive, et d’autres atteintes de l’appareil respiratoire sont plus fréquentes en cas de forte concentration en O3 dans l’air. D’ailleurs, l’étude pointe que plus de 95 % des Européens respire un air qui ne respecte pas les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. La concentration moyenne observée dans les 35 pays analysés s’établit à 101,9 μg par mètres cubes quand la limite est à 100. Pour leur étude, les chercheurs ont utilisé le système espagnol de suivi de qualité de l’air baptisé Caliope.

Au Luxembourg, la majorité des décès attribuables à l’ozone dus à la France et à l’Allemagne

Ce système permet de suivre l’ozone, mais aussi ses précurseurs, les composés organiques volatiles (COV), et les oxydes d’azote (NOx). Sous l’effet du soleil ceux-ci interagissent et forment de l’ozone. Par conséquent, la concentration en ozone troposphérique est plus importante dans le sud de l’Europe, où il fait plus chaud, et est appelée à augmenter partout sous l’effet du réchauffement climatique. Les NOx sont produits par la combustion de l’essence, du charbon ou des huiles. Les COV aussi, mais le bois de chauffage, l’évaporation de certains solvants ou même certaines forêts peuvent en émettre aussi.

Ces particules ne restent pas sagement sur leur lieu de production. Elles sont baladées au gré des vents. Ainsi, la production d’un pays fortement industrialisé, et donc émetteur d’O3, va avoir un impact sur la santé de citoyens des pays voisins. Ainsi 32,3 % des décès attribuables à l’ozone au Luxembourg sont dus à la production française et 24,2 % à la production allemande. Les pays méditerranéens, eux, sont particulièrement affectés par l’ozone produit par le transport maritime qui n’est pas forcément de leur fait. Les auteurs insistent donc sur le fait qu’une politique internationale est la bonne échelle pour adresse cette problématique.

Toutefois, ces résultats ne doivent pas être des prétextes à l’inaction au niveau local. «Durant les pics de pollutions, la contribution locale peut augmenter de manière substantielle», écrivent encore les auteurs. Les pics de pollution estivaux sont souvent liés à une absence de vent qui tend à faire stagner la pollution émise locale. Ce qui explique les mesures comme la circulation alternée pour limiter le nombre de voitures sur la route et donc la quantité de polluants émis. «Notre étude souligne la nécessité d’une quantification systématique des contributions nationales, européennes et extracommunautaires des niveaux de pollution de l’air et de leurs effets sanitaires associés. L’objectif est de mettre en place des mesures de réglementation et d’atténuation pour lutter contre l’effet des polluants atmosphériques tels que l’O3 qui sont facilement transportés au-delà des frontières», conclut Hicham Achebak dans un communiqué de presse.