Double peine pour les pays pauvres. Bien qu’ils ne fassent pas partie des pays historiquement responsables de la pollution de l’air, en conséquence du changement climatique, ces derniers sont les plus exposés à ce phénomène. C’est le constat que dresse une nouvelle étude publiée ce mercredi 20 septembre dans la revue Nature. Les populations des pays les plus pauvres – en premier lieu en Afrique centrale – sont largement plus exposées que celles des pays développés à la pollution de l’air causée par les feux de forêt et de végétation qui se multiplient dans le monde.
Contrairement à l’exposition directe aux flammes et à la chaleur des incendies, l’exposition à la pollution atmosphérique causée par les fumées peut parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres et toucher des populations beaucoup plus nombreuses. De plus, de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire sont situés dans des zones chaudes et sèches qui sont sujettes aux incendies de paysage, à une mauvaise gestion de la part des autorités ou à la brûlure des déchets agricoles.
Chaque année entre 2010 et 2019, le continent africain a ainsi subi en moyenne 32,5 jours d’exposition «importante» aux particules nocives dues aux incendies, contre une journée par an environ pour l’Europe, met en relief l’étude. Derrière l’Afrique centrale, ce sont l’Asie du Sud-Est, l’Amérique du Sud et la Sibérie qui ont connu les plus hauts taux de pollution due aux incendies sur la période étudiée. En moyenne, chaque personne souffre de 9,9 jours d’exposition par an à ce phénomène.
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Au total, entre 2010 et 2019, 2,18 milliards de personnes ont ainsi été exposées au moins une journée à un épisode de «pollution élevée» causé par les feux. Soit 7 % de plus que sur la décennie précédente. Signe des disparités socio-économiques qui accompagnent les effets dévastateurs du changement climatique : dans les pays pauvres, cette pollution à l’ozone et aux particules fines était environ quatre fois plus élevée que dans les pays riches.
«Injustice climatique»
Pour évaluer les concentrations quotidiennes mondiales de particules fines et d’ozone attribuables aux feux de végétation entre 2010 et 2019, les chercheurs se sont appuyés sur des techniques d’intelligence artificielle et de modélisation informatique. Selon leurs conclusions, les pays les plus touchés par cette pollution sont l’Angola, la République démocratique du Congo, la Zambie, le Congo Brazzaville et le Gabon, une région du monde où se pratique aussi beaucoup la culture sur brûlis.
Nature research paper: Global population exposure to landscape fire air pollution from 2000 to 2019 https://t.co/ejROIjtrqF
— nature (@Nature) September 20, 2023
Les niveaux de pollution sont classés «importants» lorsqu’ils dépassent les limites fixées par l’OMS pour l’ozone ou les particules fines, soit 15 microgrammes de particules fines par mètre cube d’air ; ou lorsque au moins la moitié de la pollution provient de feux de forêts, de broussailles ou de prairies. Les incendies planifiés par les populations – notamment pour des besoins agricoles – ou démarrés de manière incontrôlée et favorisés par le réchauffement climatique, comme illustré par les brasiers massifs qui ravagent le Canada depuis plusieurs mois, sont deux scénarios pris en compte dans l’étude. Tous ces types d’incendies engendrent en effet des fumées chargées de cendres et de particules nocives pouvant se déplacer sur des milliers de kilomètres, traverser les océans, et compromettre la santé de populations extrêmement éloignées des flammes.
Plus exposés et vulnérables, les pays pauvres disposent pourtant de peu de ressources pour pallier les conséquences sanitaires de cette pollution de l’air, entre augmentation de la mortalité et exacerbation des troubles cardiorespiratoires. Dans leur synthèse, les experts recommandent donc d’investir dans de nouvelles politiques publiques pour lutter contre les incendies d’origine humaine et d’allouer davantage de ressources aux pays à revenu faible et intermédiaire afin de prévenir ces risques sanitaires. Et de marteler : «Cette constatation apporte une preuve supplémentaire de l’injustice climatique, à savoir que les personnes les moins responsables du changement climatique sont celles qui souffrent le plus de ses conséquences.»