Ah, la salle d’escalade, bulle d’oxygène dans la vie citadine, où l’on vient fuseler son corps, entretenir sa santé, se dépasser… et respirer un air parfois aussi pollué qu’aux abords d’une autoroute. Le tout à cause des chaussons de grimpe, malmenées sur les parois par leur frottement avec les blocs abrasifs. Selon une étude menée par des chercheuses et chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et de l’université de Vienne, les matériaux qui composent leurs semelles – des composés de caoutchouc similaires à ceux utilisés pour la fabrication des pneus de voitures – relâchent en s’usant des substances toxiques en quantités importantes dans l’air confiné des salles.
«Parmi les plus hauts jamais enregistrés»
Vêtements techniques finement conçus pour garantir une adhérence, une souplesse et une durabilité maximales, les chaussures d’escalade sont en effet bourrées de produits chimiques. L’étude, dont les résultats ont été publiés dans le journal Environmental Science and Technology Air, a été menée à partir de l’analyse d’échantillons de poussières retrouvées dans des salles d’escalade en France, en Suisse et en Espagne, et des semelles des chaussures d’une trentaine de marques. Au sein desquelles ont été identifiés quinze additifs, dont le 6PPD, un stabilisateur de caoutchouc qui serait à l’origine de cas de surmortalité de saumons sauvages. A force d’usure, ces substances chimiques se retrouvent dans l’air, et, forcément, en bout de course, dans les poumons des grimpeurs.
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Si les conséquences sur la santé des pratiquants de l’escalade indoor – près de 2 millions en France – sont encore difficiles à mesurer, les chercheurs eux-mêmes ont été surpris par ce qu’ils ont trouvé. «La pollution de l’air des salles était plus élevée que ce que nous pensions», a détaillé dans un communiqué le vice-directeur du Centre de microbiologie et de science des systèmes environnementaux (CeMESS) de l’université de Vienne, Thilo Hofmann. En cas de forte affluence, a-t-il ajouté, «les niveaux mesurés se situaient parmi les plus hauts jamais enregistrés au monde et étaient comparables à ceux des routes à voies multiples de mégalopoles».
«Je continuerai à pratiquer ce sport»
Ce n’est pas la première fois que des dérivatifs du caoutchouc sont pointés pour leur dangerosité : en 2023, la Commission européenne a interdit sur les terrains de foot les billes de plastique noires issues du recyclage de pneus qui remplaçaient les pelouses, pour les mêmes raisons de rejets de microplastiques.
Mais pas de quoi non plus dégoûter les auteurs et autrices de l’étude, parmi lesquels plusieurs férus d’escalade de bloc. «Je continuerai à pratiquer ce sport, en privilégiant les salles bien aérées et aux heures les moins fréquentées», a expliqué dans le communiqué le chercheur lausannois Thibault Masset, pour qui cette recherche a notamment pour but d’inciter à une bonne aération des salles et de «sensibiliser les fabricants de caoutchouc» pour permettre d’arriver à un environnement de grimpe plus sain : «Plusieurs composants chimiques étant désormais identifiés comme potentiellement dangereux, leur utilisation dans la fabrication de produits devrait être suspendue.»