Menu
Libération
Ordures

Les poubelles françaises sont toujours trop remplies, selon la Cour des comptes

Dans un rapport, la juridiction de contrôle pointe du doigt les retards de la France qui persistent en matière de gestion, de prévention, de collecte et de valorisation des déchets. Bien loin de nos objectifs environnementaux.
Chaque habitant jette encore en moyenne 249 kilogrammes d’ordures par an dans la poubelle "fourre-tout". (Christophe Simon/AFP)
publié le 28 septembre 2022 à 13h44

Un recyclage du plastique «à la traîne» comparé aux voisins européens, un pilotage public «insuffisant» et des données «défaillantes» : tel est le cocktail qui, d’après un rapport de la Cour des comptes publié mardi soir, explique le débordement des poubelles françaises. Quasi stable sur la dernière décennie, la production de déchets par chaque Français atteignait 582 kilogrammes par habitant en 2019. Pour repasser sous la moyenne européenne, l’Hexagone a pour objectif de réduire ses ordures à 501 kilogrammes par habitant d’ici à 2030, soit une baisse de 15% en vingt ans. Or, le pays semble encore bien éloigné de ces objectifs.

Parmi les principaux obstacles, figurent notamment les 249 kilogrammes d’ordures par habitant jetés chaque année dans la poubelle «fourre-tout» – de couleur verte ou noire suivant les régions – dont 80% pourraient être valorisées «si elles étaient triées», rapporte la Cour des comptes. De même, le taux de recyclage des déchets municipaux a atteint 44% en 2018, loin de l’objectif fixé à 55% pour 2020, et encore plus loin des 67% de nos voisins allemands.

Echec des politiques publiques

Prévu à partir de 2024 et actuellement «expérimenté avec succès dans plusieurs territoires», le tri des biodéchets – un tiers des ordures non recyclées – est «un enjeu majeur», estime la Cour des comptes. Mais alors que la généralisation de la «poubelle jaune» censée collecter l’ensemble des déchets plastiques, était prévue pour fin 2022, elle atteignait péniblement les 62% sur le territoire fin 2021.

Avec 39 millions de tonnes d’ordures ménagères produites chaque année en France, la haute juridiction de la rue Cambon déplore l’échec des politiques publiques menées en matière de gestion, de collecte et de valorisation des déchets, dix ans après la publication d’un précédent rapport qui pointait déjà des insuffisances.

Pourtant, ce sont chaque année 16 milliards d’euros qui sont consacrés à la collecte et au traitement des déchets ménagers. Cela représente 60% des dépenses totales de gestion des déchets, alors même que les ordures ménagères ne représentent que 12% des déchets produits en France.

Plus généralement, la Cour des comptes met en cause «un dispositif de suivi défaillant», auquel s’ajoutent des indicateurs «à la fois trop nombreux et publiés trop tardivement» à partir de «données locales incomplètes».

Les entreprises, «premières concernées»

Parmi les différents leviers d’action, le rapport suggère l’élargissement de la tarification incitative, qui prévoit que les ménages payent les frais du ramassage non plus en fonction de la valeur de leur logement mais du volume d’ordures produites. Cette fiscalité «a montré son efficacité dans la réduction des tonnages collectés et des coûts de gestion, en France comme à l’étranger», justifie l’institution, mais ne concerne que 6 millions de personnes aujourd’hui, soit deux fois moins que l’objectif de départ, fixé à 15 millions en 2020.

Et si les particuliers doivent faire des efforts, les sociétés sont très loin d’être en reste. «Premières concernées, les entreprises ne peuvent pas s’exonérer de cette responsabilité par leur seule contribution financière», précise le rapport, elles doivent aussi réduire les matières mises sur le marché (diminution des emballages, meilleure écoconception des produits, réduction des volumes).»

Pour le surplus de déchets générés par le tourisme, la haute juridiction mise sur l’établissement d’une «surtaxe à la taxe de séjour» qui pourrait financer la prévention et la gestion des ordures, selon le principe du «pollueur payeur». Enfin, si le texte invite les collectivités territoriales à valoriser les déchets non recyclés en modernisant les installations, «alternative la plus crédible à l’enfouissement», la Cour des comptes rappelle que les objectifs environnementaux ne seront atteints «qu’au prix d’une accélération forte de la tendance actuelle», «tant sur la prévention, sur le tri sélectif que sur le traitement».