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Pollution

Paris: d’après une étude, cyclistes et piétons inhalent plus de particules fines que les automobilistes

Grand Paris, en chantierdossier
Selon une nouvelle publication de l’Inserm, la pollution est plus nocive pour les personnes se déplaçant à pied ou à vélo. Une conclusion qui devrait pousser, selon son coordinateur Basile Chaix, à accélérer les transformations de l’environnement urbain.
A Paris, en 2020. (Benjamin Girette/Hans Lucas)
publié le 18 janvier 2022 à 19h42

Rouler à vélo dans les bouchons, mauvaise idée pour les poumons ? C’est ce que dit en substance l’étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publiée ce mardi. Elle met en évidence l’exposition accrue des cyclistes et des marcheurs, dans les villes, au carbone suie, cette microparticule qui résulte de la combustion incomplète des carburants fossiles et très bon indicateur de la pollution liée au trafic routier.

Avec 283 participants de 34 à 60 ans issus du territoire du Grand Paris, l’étude a récolté sur six jours plus de 7 000 «segments» de déplacements, c’est-à-dire de «morceaux» de déplacement caractérisés par un mode de transport unique. Comprendre : si deux transports ont été utilisés (disons métro et marche) entre le domicile et le travail, ce sont deux segments qui ont été comptabilisés.

«Réorganiser nos environnements urbains»

Chaque personne était équipée d’un capteur porté à la taille, agrémenté d’un tuyau placé au niveau du col et relevant la quantité de particules fines dans la zone de respiration. Les individus ont également porté un capteur GPS pour reconstituer leurs déplacements. Enfin, un accéléromètre, soit un capteur d’activité physique, permettait de mesurer la quantité d’air respirée au cours d’un effort.

Les précédentes études sur la question ne s’intéressaient qu’aux niveaux de concentration relevés dans la zone respiratoire, sans analyser l’impact d’un effort physique sur l’inhalation de ces dites particules. Pourtant, dès lors qu’une personne effectue une activité physique, comme le vélo ou la marche, sa «ventilation minute» augmente, ce qui accroît mécaniquement la quantité de polluants inhalés. Bref, plus on respire vite, plus on respire de particules fines. Si la concentration est plus élevée dans un habitacle de voiture ou dans un tram, la quantité de polluants effectivement respirée est donc bien plus élevée à vélo ou en marchant.

Alors, faut-il poser son vélo et redémarrer sa voiture pour le bien de ses poumons ? Non, répond Basile Chaix, le coordinateur de l’étude. Parce que l’activité physique induite par le vélo balance avantageusement les risques liés à l’exposition aux particules.

«L’intérêt de cette étude, c’est surtout de montrer la nécessité de réorganiser nos environnements urbains, explique Basile Chaix. Pour limiter l’exposition des cyclistes aux particules, plutôt que de leur demander d’arrêter de faire du vélo, il conviendrait de mettre en place un réseau de voies qui leur seraient réservées, bien à l’écart du trafic routier.» De plus, la pratique du vélo et de la marche est fortement conseillée, ne serait-ce que pour éviter la pollution sonore et le stress liés aux autres modes de transport.

Décarboner sans pénaliser les populations périurbaines

Pour continuer à jouir des bénéfices du vélo tout en réduisant les risques liés à la pollution, Basile Chaix propose de revoir la place de la voiture en ville, fortement émettrice de gaz à effet de serre. «Il faut décarboner en développant les transports en commun. En l’espèce, ce qui fait du bien à la santé fait aussi du bien à l’environnement», résume le spécialiste des questions de mobilité et de santé. Attention toutefois à ne pas pénaliser les populations périurbaines en interdisant par exemple les voitures les plus polluantes en centre-ville, nuance l’auteur, qui plaide pour une ville réaménagée à l’échelle de la métropole.

«Si le problème de l’exposition des cyclistes aux particules fines doit se retrouver partout, je reste assez prudent quant aux résultats que l’on pourrait obtenir dans d’autres grandes villes de France», précise encore Basile Chaix. De plus, la pollution de fond doit être prise en compte dans les analyses pour ne pas attribuer à un mode de transport une exposition «naturelle» aux particules.