Pour garantir un avenir vivable, la consommation d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), particulièrement polluantes, doit être drastiquement réduite. C’est ce qu’a rappelé le dernier rapport du Giec publié lundi. Quelques jours plus tard, alors qu’il faudrait couper le robinet, le Canada annonce qu’il donne son aval pour la construction d’un grand projet pétrolier controversé dans l’océan Atlantique.
Nommé Bay du Nord et porté depuis des années par le géant norvégien Equinor, il permettra d’exploiter un gisement d’or noir à plus d’1 kilomètre de profondeur, à 500 kilomètres au large de la province de Terre-Neuve. La mise en exploitation du projet est prévue en 2028. Il s’agira de la cinquième plateforme pétrolière du genre au Canada et cela permettra l’extraction d’environ 300 millions de barils de pétrole sur trente ans, selon l’entreprise.
«Le monde a encore besoin de pétrole»
«Le projet d’exploitation de Bay du Nord peut aller de l’avant, sous réserve de certaines des conditions environnementales les plus strictes jamais imposées, y compris l’exigence historique pour un projet pétrolier et gazier d’atteindre la carboneutralité d’ici à 2050», a déclaré, par communiqué, le ministre de l’Environnement et ex-activiste pour le climat, Steven Guilbeault.
Selon une évaluation environnementale approfondie, le projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants, a-t-il ajouté. Pas de risques au niveau local, donc, mais la combustion du pétrole extrait entraînera des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires sur la planète. «Le monde a encore besoin de pétrole», a ensuite affirmé à Radio Canada celui qui a été choisi par Justin Trudeau pour le portefeuille de ministre de l’Environnement en octobre pour son passé de militant. Le Canada est le quatrième producteur mondial de pétrole.
Climat
Le dilemme était tel sur ce projet que la décision a été reportée deux fois ces derniers mois, d’autant plus que Justin Trudeau a souvent été critiqué ces dernières années pour ses décisions liées au secteur pétrolier, notamment pour avoir nationalisé en 2018 un oléoduc.
Il avait pris des engagements climatiques forts pendant la dernière campagne électorale et affirmait en octobre qu’il fallait «s’assurer que l’industrie pétrolière et gazière arrête d’augmenter ses émissions et commence à les réduire».
Vives critiques
L’annonce a aussitôt provoqué une levée de boucliers des groupes environnementaux. «Approuver Bay du Nord est un autre pas vers un avenir invivable», a estimé Julia Levin d’Environmental Defence, et une «gifle pour les climatologues, les communautés du Canada et du monde touchées par la crise climatique».
Pour Greenpeace, cette décision est le «triomphe» de politiques qui ne font «qu’aggraver la crise climatique et la dépendance mondiale aux combustibles fossiles qui brûlent la planète». Ces organisations rappellent que le secrétaire général de l’ONU a qualifié de «folie» la dépendance persistante aux énergies fossiles, une «addiction qui nous conduit vers une destruction collective». «Le monde accélère vers une catastrophe climatique, juste après le nouveau rapport du Giec», a de son côté commenté la jeune activiste suédoise Greta Thunberg sur Twitter.
"The Bay du Nord project would involve building a floating platform to drill an estimated resource of 300 million barrels of light crude oil in the Atlantic Ocean"
— Greta Thunberg (@GretaThunberg) April 7, 2022
The world speeds up towards a climate catastrophe, right after the new IPCC report.https://t.co/r6y16VbsVe
Selon le dernier rapport des experts climat de l’ONU (Giec), pour respecter une hausse des températures à +1,5°C, l’usage du charbon sans capture de carbone (une technologie non mature à grande échelle) devrait être totalement stoppé et ceux du pétrole et du gaz réduits respectivement de 60% et 70% d’ici à 2050 par rapport aux niveaux de 2019.
Climat
Plusieurs partis politiques ont également dénoncé la décision du gouvernement canadien, notamment le Nouveau Parti démocratique (NPD, gauche), allié au Parlement des libéraux de Justin Trudeau. «Cela montre exactement ce qui ne va pas avec ce gouvernement. Ils écoutent leurs copains du secteur pétrolier et gazier au lieu d’écouter les spécialistes du climat», a dénoncé Laurel Collins, porte-parole du NPD en matière d’environnement.
Quant au Bloc québécois, troisième formation parlementaire du pays, il estime que le Canada «confirme sa position de cancre dans la lutte face aux changements climatiques» et que cette décision «sonne le glas de la crédibilité» du ministre de l’Environnement.