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Santé

Pfas : après l’Assemblée, le Sénat adopte l’interdiction des polluants éternels dans les vêtements ou les cosmétiques

Le texte a été voté au Sénat, ce jeudi 30 mai, avec le soutien de la majorité de droite et du centre. Mais la gauche n’a pas réussi à obtenir le bannissement de leur usage dans les ustensiles de cuisine, poêles notamment.
Lors d'une manifestation contre l'utilisation des polluants éternels à Oullins-Pierre-Bénite (Rhône), le 26 mai. (Matthieu Delaty/Hans Lucas.AFP)
publié le 30 mai 2024 à 13h03

Deux mois après l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté, ce jeudi 30 mai, la proposition de loi écologiste visant à interdire, au 1er janvier 2026, certains usages non essentiels de produits contenant des substances chimiques per- et polyfluoroalkylées, les Pfas. «C’est une belle étape», s’est réjoui le sénateur écologiste Jacques Fernique, qui a salué le travail du député de Gironde Nicolas Thierry, à l’origine de ce texte. Même si, pour convaincre la droite de le voter, la proposition de loi a dû être retravaillée et a vu son périmètre amoindri la semaine dernière en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par le rapporteur Bernard Pillefer, membre du groupe Union centriste.

Poêles en Téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles… De nombreux objets du quotidien contiennent ces «polluants éternels», qui doivent leur surnom à leur cycle de vie très long et à leur persistance dans l’environnement et le corps humain des décennies durant. Certains effets délétères sur la santé de quelques membres de cette grande famille de molécules sont avérés même si la majorité d’entre elles reste peu étudiée. En amont de l’examen du texte, la sénatrice écologiste Anne Souyris a d’ailleurs rappelé que «100 % de la population française est contaminée aux Pfas». Le fait qu’il s’agisse d’une importante question de santé publique, voire du «scandale sanitaire du siècle» comme le soutient le député Nicolas Thierry, n’a été contesté par aucun parlementaire.

Très forte exposition des pompiers

Les usages et les produits concernés par l’interdiction ont concentré la majorité des débats ce jeudi. L’article 1er du texte interdit, à compter du 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des cosmétiques, textiles, ou produits de fart (pour les skis) contenant des Pfas. La gauche a tenté, en vain, d’y ajouter l’interdiction des mousses anti-incendie, arguant de la très forte exposition des pompiers à ces substances, et surtout celle des ustensiles de cuisine contenant du Téflon, au cœur du texte initial mais balayée par les députés après une intense campagne de lobbying de la société Seb, propriétaire de la marque Tefal.

Le rapporteur et le gouvernement, représenté cette fois-ci par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’y sont opposés, au prétexte que l’Union européenne devrait bientôt légiférer à ce sujet et les bannir en 2027. «On interdit les Pfas sur les emballages alimentaires mais pas sur les ustensiles de cuisine, c’est aberrant !», s’agace la sénatrice Anne Souyris. L’étiquetage des produits alimentaires voulu par la gauche, qui avait pour ambition d’y faire figurer la présence de Pfas, est également passé à la trappe.

Majoritaire au Sénat avec ses alliés centristes, la droite a réussi à exclure les «textiles techniques à usage industriel» du cadre de la loi, réduisant la liste des produits dans lesquels la présence de Pfas sera interdite. Pourtant, comme l’a rappelé très justement Bernard Pillefer lors de la discussion générale, «la pollution faite par ces molécules constitue un immense iceberg, dont la taille et la dangerosité sont probablement sous-estimées».

La taxe «pollueur-payeur» préservée

Les débats au Sénat auront également permis de compléter le volet relatif à la transparence des contrôles des Pfas dans les eaux destinées à la consommation humaine. La gauche a réussi à convaincre l’auditoire qu’il devait également concerner les eaux en bouteille, à la suite des révélations sur le recours par des industriels à des pratiques prohibées de désinfection. «Ce que l’on demande, c’est que les mesures faites par les Agences régionales de santé soient publiques et connues du plus grand nombre», explique à Libération l’écologiste Anne Souyris.

La taxe visant les industriels dont les activités entraînent des rejets de Pfas, sur le principe du «pollueur-payeur», votée à l’Assemblée nationale, a été préservée : les entreprises qui rejettent ces substances dans la nature devront désormais financer la «dépollution» via une «redevance» versée aux agences de l’eau. Le tout afin d’aider les collectivités locales à financer la décontamination de l’eau potable.

Moins hostile à la proposition de loi que le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, qui avait siégé sur le banc du gouvernement lors du débat à l’Assemblée en avril, Christophe Béchu a salué un texte «opérationnel et concret». Au moment de l’adoption, une ambiance amicale et détendue flottait même au Sénat. La droite s’est satisfaite d’un texte qui ménage l’industrie française et la gauche s’est félicitée d’avoir gagné une nouvelle manche dans un combat entamé il y a un an et demi. Prochaine étape pour le texte : une seconde lecture à l’Assemblée nationale. «Evidemment, il reste des choses à faire», a nuancé le président du groupe écologiste, solidarité et territoires, Guillaume Gontard, louant «un travail transpartisan constructif» pour la santé des citoyens et de l’environnement. Un travail vertueux, car, comme le rappelle la sénatrice Anne Souyris : «Ce n’était pas du tout gagné au départ.»