Menu
Libération
Pollution

PFAS : l’eau potable et des milieux aquatiques massivement pollués dans une zone du Gard

De nouvelles analyses de l’ONG Générations futures dévoilées ce mardi 6 février mettent au jour une lourde pollution par ces substances chimiques près d’une usine du groupe Solvay, à Salindres, dans le Gard. Les concentrations dans l’eau potable de deux communes sont inquiétantes.
A Salindres, dans le Gard, l’usine du groupe Solvay est l’un des cinq producteurs de PFAS en France. (Benjamin Polge/Hans Lucas. AFP)
publié le 6 février 2024 à 19h00

C’est désormais une réalité bien connue : la pollution due aux substances per et polyfluoroalkylées, plus connues sous le nom de PFAS, ou polluants éternels, est partout. Après l’eau potable en Auvergne-Rhône-Alpes, les cheveux des députés et les œufs au sud de Lyon, c’est au tour des milieux aquatiques du Gard d’être passés au crible. L’association Générations futures publie ce mardi 6 février le résultat d’analyses menées par un laboratoire agréé qui révèlent une contamination massive des eaux de surface et de l’eau potable aux alentours de la plateforme chimique de Salindres, tout près du Parc national des Cévennes.

Sur ce site se trouve l’usine du groupe Solvay, l’un des cinq producteurs de PFAS en France dont les propriétés sont massivement utilisées dans des produits de consommation courante, poêles, emballages alimentaires, textiles imperméables etc.. Ainsi, l’ONG a choisi dix lieux de prélèvements (7 pour les eaux de surface et 3 pour les eaux potables) autour de l’usine «pour leur proximité plus ou moins grande avec les rejets industriels et leur intérêt dans le réseau hydrographique local», afin d’obtenir un aperçu complet de la situation. Plus précisément, l’association a recherché 28 PFAS parmi les nombreux membres de cette famille, notamment «les substances fabriquées par Solvay sur ce site, dont l’acide trifluoroacétique (TFA) [un composé qui sert à la fabrication de pesticides et de médicaments, ndlr] et l’acide triflique» ainsi que les 20 PFAS à surveiller dans l’eau potable selon l’Union européenne.

Les données sont particulièrement inquiétantes. «Les analyses ont révélé des niveaux de contamination par les PFAS exceptionnellement élevés, en particulier pour le TFA et l’acide triflique, dans les eaux de surface et l’eau potable des communes avoisinantes», affirme Générations futures.

Eaux de surface

Pour les eaux de surface, l’ONG s’est intéressée aux rejets de l’usine et à deux cours d’eau environnant le site industriel, l’Arias, l’Avène et un plus éloigné, le Gardon. Dans ces trois cas, «les concentrations en TFA et acide triflique représentent 99,9 % de la concentration totale en PFAS mesurée» et «dépassent de loin les valeurs observées dans d’autres régions touchées» par ce type de pollution, s’inquiète l’ONG. Des traces de ce composé ont également été retrouvées dans la rivière Gard, à 20 km en aval de Salindres.

L’ONG compare ces valeurs avec les concentrations de l’ordre de 0,14 mg /L, bien moindres donc, mises au jour en 2015 dans la rivière Neckar en Allemagne. A l’époque, l’Agence fédérale de l’environnement avait estimé qu’il était indispensable de limiter les rejets de TFA car «la possibilité d’atteindre des concentrations toxiques à l’avenir ne [pouvait] pas être exclue».

Concernant l’acide triflique, une autre molécule au nom barbare, les concentrations retrouvées sont «largement supérieures» à toutes les mesures existantes dans la littérature scientifique. Pire, d’autres substances ont également été quantifiées, «portant jusqu’à 14 le nombre de PFAS différents retrouvés», précise l’ONG. Dont certains «interdits et très toxiques comme le PFOS, le PFOA ou le PFHxS, tous trois faisant l’objet d’interdiction ou de restriction dans le cadre de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants». Un cocktail de substances dont on ignore les effets sur l’environnement et la santé. Selon le collectif, tous les prélèvements effectués dépassent la norme de qualité environnementale proposée par l’Union européenne.

Eau potable

Ensuite, Générations futures s’est penchée sur l’eau du robinet, en analysant le réseau de deux communes, Boucoiran-et-Nozières et Moussac, à une trentaine de kilomètres de l’usine de Solvay. Là aussi, les résultats sont alarmants. L’eau potable distribuée dans ces deux villes contient respectivement 19 µg /L et 18 µg /L de TFA, «soit des concentrations 38 et 36 fois plus élevées qu’une norme européenne applicable à tous les perfluorés» et qui «excédent les recommandations sanitaires internationales».

Problème, il n’existe pas de valeur sanitaire concernant la concentration de TFA dans l’eau potable en France. L’Allemagne, elle, a établi cette valeur à 60 µg /L sur la base d’effets néfastes sur le foie, mentionnés par une étude réalisée par… Solvay. Le pays souhaite tout de même classer cette molécule comme reprotoxique, c’est-à-dire nocive pour la reproduction humaine. De son côté, l’Institut national de la santé publique et de l’environnement néerlandais, arguant que le TFA peut provoquer «des effets immunologiques», a fixé une valeur sanitaire «indicative» beaucoup plus faible, à 2,2 µg /L. Un taux bien dépassé dans le Gard.

Face à ces résultats alarmants, Générations futures, qui envisage de déposer des recours juridiques, annonce avoir saisi l’Anses pour «évaluer l’impact du TFA et de l’acide triflique sur la santé et l’environnement, et pour obtenir une position sur la toxicité reproductive du TFA ainsi qu’une valeur sanitaire pour l’eau potable».

Législation permissive

En réponse, le groupe belge soutient que les TFA «contiennent très peu d’atomes de carbone et ne sont pas connus pour s’accumuler dans le corps humain». Il estime être dans les clous de la loi : «Solvay est parfaitement en ligne avec la réglementation en vigueur, […] dans le respect de la santé et de l’environnement», écrit l’entreprise sur son site internet, précisant que «la préservation de la santé des collaborateurs et de nos riverains demeure la priorité absolue».