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Pesticides

Pfas : plus de la moitié des Français consomment une eau potable contaminée par un polluant éternel, non conforme aux normes de qualité

Selon les informations du «Monde», les ressources hydriques françaises seraient massivement touchées par une pollution à l’acide trifluoroacétique (TFA), un «polluant éternel» issu de la dégradation d’un pesticide. Les associations exigent son interdiction.
L'acide trifluoroacétique (TFA) est un Pfas issu de la dégradation de l’un des herbicides les plus utilisés en France, le flufénacet. (Sébastien Champion/Naturimages)
publié le 12 novembre 2024 à 9h56

On savait déjà la pollution des eaux «très sous-estimée» faute de suivi par les autorités sanitaires. Des alertes concernant la présence de Pfas – des «polluants éternels» distingués pour leur forte toxicité et leur grande persistance dans l’environnement et dans l’organisme humain – dans des prélèvements effectués sur une quarantaine de communes avaient également suscité l’inquiétude sur la qualité des eaux françaises. Les révélations du journal Le Monde, ce lundi 12 novembre, concernant une pollution massive des ressources hydriques de l’Hexagone par un polluant éternel sonnent comme une nouvelle alerte. Selon le quotidien du soir, plus de la moitié des Français pourraient ainsi prochainement utiliser une eau potable considérée comme «non conforme» aux critères de qualité en raison d’une contamination à l’acide trifluoroacétique (TFA), un Pfas issu de la dégradation de l’un des herbicides les plus utilisés en France, le flufénacet.

L’utilisation de ce pesticide, principalement utilisé pour le traitement des cultures de céréales, demeure aujourd’hui non réglementée en France. Toutefois, puisque le flufénacet a été reconnu le 27 septembre dernier comme un perturbateur endocrinien par l’Autorité européenne de sécurité sanitaire (EFSA), les autorités françaises devraient être amenées qualifier le TFA comme une substance dite «pertinente» pour l’eau potable, c’est-à-dire à risque. Un seuil à ne pas dépasser devrait également être instauré, conformément à la procédure mise en place par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), établi à 0,1 microgramme par litre. Au-delà de cette limite, l’eau serait de fait considérée comme «non conforme».

Pourtant, comme le démontrent les modélisations effectuées par l’Anses à la demande de l’organisme européen, la dégradation du pesticide aboutit à des concentrations en TFA dans l’eau jusqu’à 10 µg /L, c’est-à-dire cent fois plus élevée que le seuil autorisé. Un même constat repris par le réseau Pesticide Action Network (PAN) Europe. Entre mai juin 2024, l’ONG a réalisé des prélèvements d’eau potable dans une dizaine de pays de l’Union européenne, dont l’Hexagone. Résultat : en France, la limite de conformité a été dépassée dans trois échantillons d’eau testés sur quatre. Et dans la capitale, un taux supérieur à 2 µg /L a même été observée dans un échantillon alimentant plus d’un tiers de la ville. Ainsi, selon Le Monde, plus de la moitié des Français seraient concernés par une eau non conforme en cas de surveillance réglementaire du TFA.

Les ONG réclament une interdiction du pesticide

Face à ce constat, l’ONG PAN Europe a demandé à la Commission européenne d’interdire le plus rapidement possible le flufénacet au niveau européen. L’autorisation de distribution du pesticide avait initialement pris fin en 2013, mais neuf procédures de prolongation avaient par la suite été engagées, dont la dernière court jusqu’en juin 2025. «Suite à l’avis de l’EFSA de septembre dernier, le processus législatif pour ne pas réapprouver le flufenacet a débuté», a alors annoncé au Monde Stefan De Keersmaecker, le porte-parole chargé des questions de santé au sein de la Commission européenne.

Côté français, l’association Générations futures exige, elle aussi, «la suspension immédiate de l’utilisation des produits à base de flufénacet sur le territoire français». Interrogé par le quotidien, le ministère de la transition écologique rétorque qu’il «sera vigilant à suivre les décisions de l’ANSES en la matière». L’agence nationale de sécurité sanitaire précise toutefois ne «pas avoir été saisie à ce jour d’une demande d’évaluation de pertinence du TFA».