Selon ceux qui l’ont réalisée, il s’agit de la «première étude d’évaluation» menée à aussi grande échelle, permettant d’affirmer que la piétonnisation des «rues aux écoles» a un effet positif sur la qualité de l’air. Publiée ce vendredi 24 mai par les associations Respire (qui agit pour l’amélioration de la qualité de l’air) et AirGones (spécialisée dans la mesure de la pollution), elle montre que les aménagements mis en place dans le cadre du dispositif «rue aux écoles», à Paris, permettent de faire baisser les concentrations de dioxyde d’azote aux abords des écoles. Cette diminution atteindrait jusqu’à 30 %, dans les cas où elle est la plus marquée.
Ecoles Championnet (XVIIIe arrondissement), Victoire (IXe) ou encore du Jardinet (VIe)… Pour réaliser cette étude, les associations ont fait appel à deux sociétés spécialisées : Rincent Air et Pollutrack, qui ont mesuré la pollution en temps réel et pendant plusieurs semaines à l’intérieur et aux abords de dix établissements scolaires (neuf à Paris et un dans la commune limitrophe de Bagnolet). Les écoles retenues ont été choisies à la fois pour leur positionnement géographique stratégique – du fait de leur proximité avec des grands axes routiers – mais aussi, pour certaines, parce que des travaux de piétonnisation étaient prévus pendant l’été.
Une baisse à l’intérieur comme aux abords des écoles
Deux campagnes de mesures ont été réalisées, dans le but d’évaluer l’impact de ces travaux, sur le modèle d’un «avant-après». La première a eu lieu en juin. L’autre, quelques mois plus tard, en septembre. Pour réaliser les mesures, les auteurs de l’étude ont installé des capteurs dans les cours de récréation, les salles de classe et sur les façades des écoles sélectionnées. Ils mesuraient la concentration en dioxyde d’azote dans l’air, mais aussi celle en particules fines (PM2,5). «Nous avons d’abord demandé leur accord aux maires d’arrondissements pour installer les capteurs», rassure Tony Renucci, directeur général de l’association Respire.
Reportage
Les analyses réalisées à partir des données récoltées dans deux écoles devant lesquelles ont eu lieu ces travaux de piétonnisation – l’école Saint-Benoît (VIe arrondissement) et l’école Paul-Gervais (XIIIe) – ont ainsi montré une baisse significative de la concentration en dioxyde d’azote (NO2) entre les deux périodes. «Les mesures de NO2 pour l’air à l’intérieur de l’école et pour celles à l’extérieur devant l’école diminuent significativement, avec un abattement (baisse de pollution par rapport à la valeur de référence) de 10 à 30 % dû à la piétonnisation», détaille l’étude. Côté particules fines, en revanche, les analyses n’ont pas été conclusives. S’il existe bien un lien entre l’exposition à ces particules et le trafic routier, les conditions météorologiques au moment de l’étude ont rendu impossible l’établissement d’un lien de causalité entre la piétonnisation et la concentration en particules fines dans l’air.
Toux, crises d’asthme, réduction de la fonction pulmonaire
L’objectif de cette étude était de «convaincre les élus des collectivités de la nécessité de mettre en place des politiques publiques en faveur de la piétonnisation», explique Tony Renucci. Car l’enjeu est de taille. Chaque année, le dioxyde d’azote, un gaz très irritant pour les voies respiratoires et pouvant entraîner une toux, des sifflements, une réduction de la fonction pulmonaire et une augmentation des crises d’asthme, serait responsable de la mort de 2 575 personnes à Paris, d’après une étude publiée en 2021 dans la revue The Lancet Planetary Health.
Interrogée par Libération en décembre, Anne-Claire Boux, adjointe à la maire de Paris en charge des questions relatives à la santé publique, justifiait la mise en place du dispositif «rues aux écoles», lancé en 2020 à Paris : «Notre objectif premier reste la lutte contre la pollution, d’autant plus que les enfants, par leur taille, sont à hauteur des pots d’échappement et donc automatiquement les plus concernés par la quantité de dioxyde d’azote et la mauvaise qualité de l’air qui en résulte.» Les auteurs de l’étude espèrent que celle-ci «poussera les maires hésitants», qui sont nombreux à les avoir contactés ces dernières années, à «sauter le pas de la piétonnisation».