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Pollution

Polluants éternels : le PFOA, auparavant présent dans le Téflon, classé «cancérogène pour les humains»

Le Centre international de recherche sur le cancer vient d’annoncer avoir classé plusieurs molécules de la famille des PFAS comme cancérogènes, notamment le PFOA, le PFOS rejoignant de son côté la liste des agents «cancérogènes possibles».
Le CIRC avait déjà évalué le PFOA, auparavant présent dans le Téflon, «cancérogène possible» en 2016. (Romain Gautier/Hans Lucas via AFP)
publié le 1er décembre 2023 à 19h32

Voilà une nouvelle qui ne va pas ravir les industriels et lobbyistes. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a annoncé jeudi 30 novembre avoir classé le PFOA et le PFOS, substances de la famille des PFAS (aussi surnommés «polluants éternels»), «cancérogène pour les humains» et «cancérogène possible». Une synthèse de leur étude, publiée dans The Lancet Oncology, est disponible sur le site de l’agence onusienne depuis ce vendredi. Le CIRC avait déjà évalué le PFOA, auparavant présent dans le Téflon, «cancérogène possible» en 2016 ; c’était une première pour le PFOS.

Les polluants éternels regroupent plus de 4 700 molécules chimiques, produites depuis les années 40. Particulièrement intéressantes pour l’industrie par leurs propriétés antiadhésives et imperméables, on les retrouve partout : ustensiles de cuisines, emballages, textiles, mousses anti-incendie… Les PFOA et PFOS font partie des PFAS les plus anciens, et les plus répandus, interdits dans l’Union européenne respectivement depuis 2020 et 2009.

30 experts réunis à Lyon

Pour évaluer leur caractère cancérogène, 30 experts internationaux se sont réunis mi-novembre à Lyon, où se trouve le siège du CIRC. L’agence onusienne a alors reclassé le PFOA comme «cancérogène pour les humains», le faisant rejoindre ainsi la liste des agents du groupe 1 (sur 3), aux côtés de l’amiante, de la silice cristalline, du benzène mais aussi l’alcool ou la charcuterie. Les scientifiques ont pu établir une relation de cause à effet entre le polluant et l’élévation du risque de tumeur du foie, pancréas et utérus. Et ont par ailleurs noté des altérations épigénétiques et un affaiblissement de l’immunité pouvant favoriser la «cancérogénèse», c’est-à-dire la formation d’un cancer. Des études épidémiologiques présentent aussi des «preuves limitées» de survenue de cancer rénal ou testiculaire.

Quant au PFOS, les scientifiques ont reconnu des preuves «fortes» sur leur mécanisme d’action. Mais elles demeurent à ce stade «limitées» dans les expérimentations animales et «insuffisantes» sur les cancers humains. Il n’atteint donc que la catégorie 2B, «cancérogène possible».

Cette décision est d’autant plus importante que les études sur ces polluants se multiplient, et détectent leur présence dans le sang de populations partout à travers le monde. «On s’attend à ce que les expositions soient les plus élevées parmi les travailleurs impliqués dans la production de PFOA ou de PFOS ou utilisant ces produits chimiques, précise le CIRC. L’inhalation est considérée comme la principale voie d’exposition pour les travailleurs, bien que l’exposition cutanée soit possible.» La population générale, elle, est «principalement» exposée par l’alimentation et l’eau potable - cette dernière étant la «principale source d’exposition» dans «les sites contaminés». Elle l’est aussi «potentiellement» via des produits de consommation - des œufs, par exemple.

La France n’échappe pas à la contamination mondiale. L’enquête Esteban de Santé publique France, menée entre 2014 et 2016, conclue même que l’intégralité des habitants de l’Hexagone présente des PFAS dans le sang – dont les fameux PFOA et PFOS. Mais certains sites sont plus exposés que d’autres : au moins 900 sont contaminés selon une enquête du Monde. Et la grogne monte. Mardi, une enquête du Monde, France 3 et le Dauphiné libéré a révélé que des habitants de Rumilly (Haute-Savoie), où trône l’usine Tefal, ont leur sang imprégné par des niveaux de PFOA sept fois supérieurs à la concentration médiane détectée dans la population française. Ils dépassent également le seuil allemand (la France ne dispose pas à ce jour d’une telle réglementation).

Au sud de Lyon, 34 communes de la Vallée de la Chimie ont par ailleurs porté plainte fin septembre pour «mise en danger de la vie d’autrui» et «écocide» à cause de «concentrations alarmantes» de PFAS, mettant en cause les groupes industriels locaux Arkema et Daikin. Ce sont en revanche d’autres substances de cette grande famille qui sont particulièrement visées, plus récentes et pour le moment moins étudiées.