Après les voitures, c’est au tour des bus et des camions européens de prendre un virage plus écologique et électrique. Les eurodéputés ont voté ce mardi 21 novembre pour de nouvelles mesures visant à réduire drastiquement les émissions carbone des camions lourds et généraliser les bus «zéro émission». Ce vote a recueilli 445 voix pour, 152 contre et 30 abstentions au sein de l’hémicycle réuni en séance plénière à Strasbourg. L’enjeu est crucial pour les objectifs climatiques européens : les camions, bus et cars génèrent plus de 6 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne. Soit un quart des émissions du transport routier dans l’UE.
«Les députés veulent des objectifs stricts de réduction des émissions de CO2 pour les camions moyens et lourds, y compris les véhicules professionnels (tels que les camions à ordures, les camions bennes ou les bétonnières) et les bus», précise un communiqué de l’institution européenne. La liste de dérogations fixée par les Etats a par ailleurs été revue à baisse. Les émissions carbones des nouveaux véhicules lourds vendus à partir de 2030 devraient ainsi être réduites d’au moins 45 % par rapport à 2019 pour la période 2030-2034, puis abaissées de 65 % en 2035, et enfin de 90 % à partir de 2040.
Cette réforme, «un moteur crucial pour un air plus propre dans nos villes»
Les véhicules de police ou de pompiers, ambulances, véhicules agricoles ou forestiers resteraient exemptés de cette mesure. En parallèle, les eurodéputés se sont accordés pour autoriser l’immatriculation des nouveaux bus urbains uniquement «zéro émission» à partir de 2030. Ils proposent néanmoins une «exemption temporaire jusqu’en 2035 pour les autobus urbains alimentés au biométhane, dans des conditions strictes», détaille le Parlement.
«La transition vers des camions et des bus à zéro émission est non seulement essentielle pour atteindre nos objectifs climatiques, mais aussi un moteur crucial pour un air plus propre dans nos villes», s’est félicité l’eurodéputé néerlandais Bas Eickhout, en charge du texte. La mesure est aussi saluée par l’eurodéputée écologiste française Karima Delli : «Bonne nouvelle ! Après les voitures thermiques, c’est au tour des camions fossiles de réduire drastiquement leur CO2.» Le président de la commission environnement, Pascal Canfin, salue lui aussi ce vote pour «un nouveau texte clé pour aller vers la neutralité climat et décarboner le transport de marchandises dont les émissions ne cessent d’augmenter».
🇪🇺 Bonne nouvelle !
— Karima Delli (@KarimaDelli) November 21, 2023
🚛 Après les voitures thermiques, c’est au tour des camions fossiles de réduire drastiquement leur CO2.
✅ Vote du Parlement européen :
-90% de CO2 en 2040 (les Verts voulaient 100…)
-100% pour les bus en 2030
👨🏻🔧 Un message fort envoyé à la filière 🚚. pic.twitter.com/30Uzqw8cun
En février, la Commission européenne avait déjà dévoilé ses propositions pour s’attaquer à ce sujet et atteindre l’objectif de neutralité climatique de l’UE d’ici 2050, le jour même où les eurodéputés entérinaient la fin des ventes de voitures neuves à moteur thermique. Maintenant que le Parlement européen a voté le texte, les négociations avec les Etats membres vont pouvoir être lancées.
Une «révolution industrielle»
«Dans l’idéal, nous aurions voulu une interdiction totale du moteur à combustion d’ici à 2040, mais il s’est avéré que c’était une étape trop difficile à franchir, regrette Bas Eickhout. Néanmoins, ces objectifs constituent une avancée considérable qui permettra de réduire considérablement les émissions et d’assainir l’air.» Un détail que met aussi en exergue Karima Delli, rappelant que «les Verts voulaient 100 %» de réductions des émissions.
Un amendement soutenu par le PPE (droite) laisse par ailleurs la porte ouverte au recours à des biocarburants et carburants synthétiques «neutres en carbone». «Exclure des technologies d’emblée était une mauvaise méthode», a commenté l’eurodéputé (PPE) Jens Gieseke. Mais pour l’ONG Transport & Environment, cette disposition s’apparente à un «cheval de Troie» du secteur pétrolier et permettrait «de continuer à vendre encore de très nombreux camions diesel pendant des décennies».
Pour aller plus loin
Pour les poids lourds, qui marchent au diesel ou à l’essence, le virage vers l’électrique ou l’hydrogène s’annonce en revanche inévitable. L’allemand Daimler et le suédois Volvo produiront en série dès 2025 des piles à hydrogène pour camions. Et le numéro un mondial des camions, Mercedes-Benz Trucks, a récemment présenté son premier modèle de camion électrique longue distance.
L’Association des constructeurs européens automobiles s’alarme de son côté «d’ambitions irréalisables» sans infrastructures suffisantes et de solides mesures incitatives à l’achat. Selon elle, l’objectif 2030 représenterait plus de 400 000 camions zéro émission sur les routes, nécessitant quelque 700 stations de rechargement en hydrogène et 50 000 points publics de recharge électrique adaptés, des infrastructures encore trop bien trop rares. Des changements en cascade, des véhicules aux infrastructures, que Bruxelles qualifie de «défi redoutable», voire de «révolution industrielle». Rien que ça.