«Nous ne sommes pas là pour mettre fin au plastique, nous sommes là pour mettre fin à la pollution plastique», clamait ce dimanche 19 novembre à Nairobi le président du Comité international de négociations sur le sujet, Luis Vayas Valdivieso. Un objectif finalement trop ambitieux. Les négociations internationales contre la prolifération des déchets plastiques ont pris fin dimanche au Kenya, sur fond de désaccord sur l’ampleur du traité et la frustration d’ONG de défense de l’environnement face au manque d’avancées concrètes.
Les négociateurs de 175 pays ont passé une semaine au siège du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) dans la capitale kényane, pour tenter de trouver un terrain d’entente sur un projet de traité visant à résoudre le problème croissant de la pollution plastique. L’enjeu de ces négociations était de taille car le plastique, issu de la pétrochimie, est partout : des déchets de toutes tailles se retrouvent déjà au fond des océans et au sommet des montagnes. Des microplastiques ont même été détectés dans le sang ou le lait maternel.
Si les différentes parties se rejoignent sur la nécessité d’un traité, le fond diverge entre les ONG qui plaident pour la réduction de 75 % de la production d’ici à 2040 et des pays producteurs de pétrole et les lobbys des industries plastiques qui militent davantage en faveur du recyclage. Lors des séances publiques, plusieurs pays se sont montrés réticents à soutenir une réduction de la production de plastique, et des divisions se sont également portées sur le caractère contraignant ou volontaire du traité.
Pour autant, selon le porte-parole de l’International Council of Chemical Associations, un important lobby qui défend les intérêts de l’industrie du plastique, ces négociations ont permis de mettre «davantage d’idées sur la table, comblant les lacunes […] Nous disposons [maintenant] d’un document, d’un projet de texte, qui englobe beaucoup plus l’éventail d’idées». «Je pense que ça a été une semaine utile», affirme-t-il. Après la clôture des discussions, le PNUE s’est lui aussi félicité des progrès «substantiels» réalisés.
«Sans surprise, certains pays bloquent les avancées»
Du côté des ONG de défense de l’environnement, le ressenti est tout autre. Plusieurs associations accusent certains pays, notamment l’Iran, l’Arabie saoudite et la Russie, d’avoir fait de «l’obstruction». «Sans surprise, certains pays bloquent les avancées, jouant de l’obstruction et de manœuvres procédurales», affirme Carroll Muffett, directeur du Center for international environmental law (CIEL).
L’alliance de la société civile Gaia a de son côté accusé le PNUE d’avoir supervisé «une réunion indisciplinée et tortueuse» qui a permis à une minorité de tenir les débats «en otage». «Compromettre les besoins des personnes les plus touchées pour satisfaire les désirs de ceux qui profitent du problème n’est pas une stratégie réalisable», déplore de son côté Graham Forbes, responsable de campagne à Greenpeace.
Pour les ONG, le temps presse et un traité contraignant est nécessaire car la pollution plastique devrait s’aggraver : la production annuelle a plus que doublé en vingt ans pour atteindre 460 millions de tonnes. Elle pourrait tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait. Or, seulement 9 % des plastiques sont recyclés. Le plastique joue aussi un rôle dans le réchauffement climatique : il représentait 3,4 % des émissions mondiales en 2019, chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici à 2060, selon l’OCDE.
Pour aller plus loin
La réunion de Nairobi est la troisième des cinq sessions d’un processus accéléré visant à conclure les négociations l’année prochaine. Après la capitale kényane, les négociations doivent se poursuivre en avril 2024 au Canada pour se conclure en Corée du Sud fin 2024. L’urgence est de taille : dans le monde, chaque minute, l’équivalent d’un camion poubelle de plastiques se retrouve dans l’océan. Vieille addiction mortifère dont l’humanité ne semble pas encore prête à se sevrer.