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Recyclage des déchets : les graphiques qui montrent que la France est un des mauvais élèves de l’Europe

Un rapport de la Commission européenne révèle qu’en 2020 l’Hexagone présentait un taux de recyclage des déchets municipaux de seulement 42 %, loin de l’objectif de 55 % pour 2025. Concernant les emballages plastiques, le retard est encore pire.
(Alice Clair)
publié le 8 juin 2023 à 12h02

La France doit «considérablement intensifier les efforts» en matière de recyclage des déchets si elle veut atteindre et respecter les objectifs européens fixés pour 2025. Dans un rapport publié ce jeudi 8 juin, assorti de messages «d’alerte précoce» personnalisés selon les pays, la Commission européenne étrille les politiques publiques des Etats membres à la traîne et la France n’échappe pas à la gronderie. Selon les directives européennes adoptées en 2018, tous devront formellement afficher, d’ici deux ans, un taux de recyclage des déchets municipaux d’au moins 55 %, ceux traités par les communes et composés pour l’essentiel d’ordures ménagères, mais qui incluent aussi les déchets produits par les petites entreprises, les collectivités, les bureaux, le nettoiement de la voirie ou encore l’entretien des espaces verts. S’agissant des déchets dérivés des emballages, second cheval de bataille de la Commission européenne, le taux moyen de recyclage minimum imposé pour 2025 aux pays membres est de 65 %, mais les enjeux se déclinent ici par matière : pour le papier et le carton, il faudra monter jusqu’à 75 %, pour le verre 70 %, tandis que pour le plastique et l’aluminium, il faudra viser les 50 % et pour le bois, 25 % (au moins).

D’après le rapport, seulement neuf pays se trouvent sur la «bonne voie» pour parvenir aux planchers fixés par les deux mesures de Bruxelles : l’Autriche, la Belgique, la Tchéquie, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie. C’est bien trop peu, et la France, de surcroît, n’y figure pas. En 2020 (dernières données connues), elle ne présentait qu’un taux de recyclage des déchets municipaux de 42 % et la Commission l’estime comme «risquant de ne pas atteindre l’objectif de 55 % fixé pour 2025» – d’autant que la dynamique s’avère plutôt défavorable, puisque en 2018, ce taux était de 45,1 % en France.

En moyenne, selon les chiffres Eurostat utilisés dans le document, la population française a produit 535 kg d’ordures par habitant en 2020 (contre 521 kg sur l’ensemble de l’échelle européenne). Un volume qui n’a toujours pas entamé de descente au fil des années, malgré la nécessité de baisser la quantité de déchets générés, parallèlement à la politique de recyclage. Sur cette demi-tonne de déchets ménagers, environ la moitié est encore jetée en vrac dans le bac tout-venant, dont plus de 30 % de biodéchets, ces denrées alimentaires et autres déchets verts «très insuffisamment» triés à la source. «La collecte séparée des biodéchets est peu répandue en France. Seule une part réduite de la population [en] bénéficie», pointe l’instance européenne, qui hâte le pays à «améliorer» urgemment son système et «veiller à ce que les capacités consacrées à leur traitement soient suffisantes». Un coup de pression bienvenu alors que la France elle-même, par le biais de sa loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, s’est donnée pour ambition de généraliser le tri des biodéchets, au plus tard, le 31 décembre 2023.

«Une gestion écologiquement rationnelle des biodéchets pourrait permettre de les utiliser comme engrais pour améliorer la santé des sols, ainsi que pour la production de biogaz [processus de fermentation de matières organiques, appelée aussi méthanisation, ndlr]. Elle peut contribuer de manière significative à la réalisation des objectifs climatiques et aider à atteindre les objectifs de l’Union européenne en matière de sécurité de l’approvisionnement en énergie», insiste la Commission. Une position partagée en France par la Cour des comptes, qui dans un rapport dédié aux politiques de traitement des déchets, paru il y a huit mois, soulignait les «fortes potentialités de la collecte des biodéchets», malgré sa «complexité» et ses «difficultés techniques, financières et sociales». Cette collective pouvant induire, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), un coût supplémentaire de 15 à 25 euros par habitant.

La France en retard en matière de plastique

Sur la seconde disposition européenne, consacrée aux déchets d’emballages, la France n’est pas non plus sur le podium des bons élèves. Si elle semble tenir sa trajectoire vis-à-vis de l’objectif général des 65 % de recyclage (ce taux a passé la barre des 60 % en 2020 dans le pays), la Commission européenne note cependant qu’elle doit «redoubler» d’attention en matière de plastique, car les retards sont gigantesques : en 2019, le taux de recyclage dépassait à peine les 25 %. A titre de comparaison, les Pays-Bas, eux, en sont à 57 %. Le président, Emmanuel Macron, a appelé, la semaine passée lors des négociations à Paris pour un futur traité contre la pollution plastique, à s’attaquer à la production exponentielle de ce matériau et à ne surtout pas se contenter du recyclage. Cependant, ledit recyclage en France ne répond clairement pas aux objectifs européens, pourtant fixés notamment par la loi française antigaspillage de 2020. «Le captage des emballages en plastique dans les systèmes de collecte séparée est insuffisant», expose le rapport de l’institution européenne, qui prône la mise en place de «meilleurs système de consigne».

Déjà distancée, la France doit franchement accélérer la cadence si elle veut pouvoir répondre présent aux échéances suivantes imposées par Bruxelles. Car pour horizon 2030, la Commission européenne exigera un taux de recyclage des emballages plastiques et des déchets municipaux de respectivement 60 % et 65 %. En 2035, la mise en décharge des déchets municipaux (à savoir le dépôt de ces déchets sur la surface terrestre ou leur enfouissement) ne pourra pas dépasser les 10 %. La France, en 2020, enregistrait 18,1 %. Le pays «a introduit de nombreuses mesures nouvelles qui devraient permettre d’améliorer les résultats dans les années à venir. Toutefois, comme il faut généralement du temps pour observer pleinement les effets de ces mesures, il convient d’intensifier considérablement les efforts pour que tous les objectifs fixés soient atteints», conclut le document «d’alerte précoce» consacré à la France. Un blâme qui, par le hasard du calendrier, surgit au moment même où les instances européennes sont en pleine négociation pour durcir le cadre de réduction des déchets d’emballages, affolant lobbys et Etats membres velléitaires.