Enième rebondissement procédural dans l’affaire Stocamine. Le tribunal administratif (TA) de Strasbourg a suspendu «provisoirement» ce mardi 7 novembre le stockage illimité de 42 000 tonnes de déchets dangereux que l’Etat avait autorisé sur ce site du Haut-Rhin, dans l’attente d’une décision sur le fond attendue «dans les prochains mois». «C’est la première application depuis la décision du Conseil constitutionnel» du 27 octobre «de l’obligation pour l’Etat de prendre en compte dans ses décisions les générations futures», a réagi Me François Zind, l’avocat de l’association de défense de l’environnement Alsace Nature, qui avait saisi le TA en référé.
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Ce principe, nouveau dans le droit français, a été consacré par les sages dans une décision relative au projet de centre d’enfouissement Cigéo des déchets hautement radioactifs à Bure (Meuse), qui n’a toutefois pas bloqué le projet. «Il y a un doute sérieux sur la légalité de la décision de stockage des déchets pour une durée illimitée», a indiqué dans un communiqué le TA de Strasbourg. Celui-ci a enjoint au préfet du Haut-Rhin, qui avait signé le 28 septembre l’arrêté de stockage définitif, «de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la maintenance du site et de l’ensemble des galeries».
Le confinement illimité «est susceptible de méconnaître l’article 1er de la Charte de l’environnement, qui dispose que chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé», fait encore valoir le tribunal, dont la décision a un caractère «provisoire» dans l’attente de sa décision sur le fond sur le recours en annulation de l’arrêté préfectoral qui «devrait intervenir dans les prochains mois».
Désaccords et incertitudes
Deuxième argument invoqué par la TA : «le septième alinéa» du préambule de la Charte de l’environnement qui indique que, «afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins». «Il n’est pas démontré que les travaux, qui devaient débuter de manière imminente par le remblayage définitif du bloc 15», où sont stockés des déchets «dont la nature est en partie indéterminée, à 500 mètres sous la nappe phréatique d’Alsace, seraient réversibles», estime encore le tribunal.
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Un incendie s’était produit en 2002 dans ce bloc, mettant fin à l’ajout de nouveaux déchets. Depuis, le devenir de Stocamine, censé à l’origine demeurer un stockage non définitif, est source de désaccords et d’incertitudes. Après avoir beaucoup tergiversé, l’Etat avait tranché en janvier 2021 en faveur d’un enfouissement définitif des déchets restants, autorisé donc fin septembre par l’arrêté préfectoral. Il donnait le feu vert à l’enfouissement sous du béton dans l’ancienne mine de potasse de Wittelsheim, près de Mulhouse, de 42 000 tonnes de déchets toxiques (cyanure, arsenic, mercure…) dans le cadre d’une autorisation temporaire délivrée en 1997 pour 30 ans, donc jusqu’en 2027.
Mines de Potasse d’Alsace (MDPA), qui gère le site et dont l’Etat est l’unique actionnaire, se préparait donc à relancer les travaux d’enfouissement visant à confiner la totalité des déchets, mais la décision du TA de Strasbourg y met un coup d’arrêt, au moins provisoire. Dans la région, des élus de tous bords ont milité pour un retrait au moins partiel des déchets, craignant que leur confinement sous le béton n’empêche pas à terme la pollution de la nappe phréatique d’Alsace, la plus importante d’Europe. L’histoire de Stocamine est ponctuée de rebondissements procéduraux : «C’est la cinquième confirmation juridique de l’illégalité du seul enfouissement définitif», a ainsi relevé Me Zind. Les parties ont 15 jours pour contester la décision du TA devant le Conseil d’Etat.