La société Nestlé Waters a-t-elle traité illégalement ses eaux minérales pendant quinze ans, voire davantage ? C’est ce que suggérerait un rapport d’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, selon Mediapart. Le site d’investigation a affirmé, jeudi 18 juillet, que les conclusions, rendues en avril, retracent notamment l’achat, dès 2005, d’appareils à UV, et relève «une utilisation de filtres non autorisés depuis au moins 2010». Fin janvier, une première enquête du Monde et de Radio France avait révélé que ces méthodes, destinées à continuer à vendre de l’eau en bouteille censément pure mais régulièrement contaminée par des matières fécales et des pesticides, duraient au moins depuis 2020.
Grâce à cette pratique, l’entreprise aurait pu engranger plus de trois milliards d’euros, soutient Mediapart, citant les enquêteurs : «La différence de chiffre d’affaires réalisée en vendant ces produits en eau minérale naturelle au lieu d’eau rendue potable par traitement est estimée à 3 132 463 297,00 euros pour les différentes marques et périodes infractionnelles correspondantes.» «Nous réfutons fermement le mode de calcul et le chiffrage relayés par Mediapart», a réagi Nestlé Waters France, filiale française du géant suisse de l’agroalimentaire, sollicitée par l’AFP. Une déclaration similaire figure dans «un point de situation» sur le site de l’entreprise. En revanche, la multinationale ne semble pas contester que des traitements hors les clous ont été réalisés depuis quinze ans.
Traitements retirés
Dans ce dossier des eaux minérales, le groupe, soupçonné d’avoir eu recours à des traitements illégaux pour purifier ses eaux, est aussi visé par une enquête préliminaire ouverte par le parquet d’Epinal pour tromperie. Fin janvier, Nestlé Waters a reconnu avoir eu recours à des systèmes de désinfection interdits (lampe UV, charbon actif) pour maintenir la «sécurité alimentaire» de ses eaux puisées et embouteillées dans les Vosges (Vittel, Contrex et Hépar). En France, Nestlé Waters est également propriétaire de la marque Perrier, pompée dans le Gard.
Réagissant à ces révélations, l’ONG Foodwatch, qui a porté plainte dans ce dossier, a demandé «que la justice pénale avance», «s’étonnant que cette affaire soit toujours au stade de l’enquête préliminaire». Dans un rapport de 2022, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) estimait qu’en France, «près de 30 %» des marques d’eau conditionnées «subissent des traitements non conformes» aux réglementations en vigueur en France. Un chiffre possiblement sous-estimé puisque de telles pratiques sont «délibérément dissimulées», notait également l’Igas. Nestlé rappelle avoir sollicité les autorités dès 2021 afin de régulariser la situation. Et le groupe de préciser à l’AFP : «Depuis, nous avons retiré les traitements en question.»