Menu
Libération
Vérification

Voitures électriques : une étude sur la concentration de particules fines autour de bornes de recharge va vite en besogne

Des chercheurs américains, dont le travail a été publié en juillet par la revue «Environment International», soulignent un phénomène de remise en suspension des particules déjà dans l’air. Pas de quoi, selon les experts interrogés par «Libé», remettre en cause la transition vers l’électrique.

Les armoires électriques des bornes de recharge remettraient en suspension les particules fines déjà présentes. (Mathieu Thomasset/Hans Lucas. AFP)
Publié le 30/08/2025 à 7h00

Recharger sa voiture électrique, source d’une pollution de l’air méconnue ? La petite musique a circulé, ces derniers jours, avec plus ou moins de nuance dans des titres de presse spécialisée. Certains vont jusqu’à évoquer un «danger», même une «bombe sanitaire» insoupçonnée. Inquiétant, au premier abord, alors que le nombre de bornes électriques est amené à augmenter à mesure de l’électrification du parc automobile, censé réduire la pollution de l’air.

L’étude en question, publiée mi-juillet dans la revue Environment International, a mesuré des taux de particules fines autour de 50 bornes de recharge rapide dans le comté de Los Angeles. Les chercheurs américains signalent «des concentrations quotidiennes de PM2,5 […] nettement supérieures aux sites urbains de référence et aux stations de surveillance». A noter que les concentrations plus importantes sont retrouvées sur certains types de bornes de recharge : les modèles Tesla, très puissantes et rapides – qui ne sont pas les plus courants en France.

Selon les experts sondés par Libé, l’étude est sérieuse et offre des pistes intéressantes. Mais avant de déserter ces bornes de recharge et bouder les voitures électriques, il convient de nuancer la conclusion un peu hâtive qu’on pourrait dresser.

Pour expliquer leurs mesures, les chercheurs américains ont émis quelques pistes. La plus vraisemblable, écrivent-ils, viendrait d’une «remise en suspension de particules» par les armoires électriques des bornes. Autrement dit, «ce ne sont pas les bornes elles-mêmes qui émettent des particules, commente Laurent Gagnepain, coordinateur scientifique et technique à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Mais elles remettent en suspension dans l’air celles qui se trouvent déjà là, puisqu’on se trouve dans des milieux urbains.» Ces particules viennent surtout des activités humaines, comme les transports, les systèmes de chauffage, etc.

Deux éléments peuvent l’expliquer : les particules s’agrègent à l’intérieur des bornes ; leur système de ventilation, censé refroidir ses convertisseurs, va aussi venir brasser l’air. De quoi créer «un mouvement autour des stations» et «expliquer pourquoi on retrouve en moyenne une concentration de particules un peu supérieure», estime l’expert de l’Ademe.

Mais inutile de diaboliser les bornes électriques. Selon Laurent Gagnepain, «on pourrait retrouver des mesures assez similaires autour de n’importe quel endroit en ville avec des systèmes de ventilation. Par exemple ceux des restaurants, ou les groupes frigorifiques des supermarchés».

Modèle électrique pas remis en cause

L’expert de l’Ademe pointe par ailleurs des écarts importants dans les niveaux de concentration mesurés autour des bornes électriques. «Quand on regarde les valeurs sur les stations-service, on voit que l’écart n’est pas si important : on retrouve des bornes de recharge où les concentrations y sont même inférieures».

Joseph Kleinpeter, co-président du conseil scientifique de l’Association pour la prévention de la pollution atmosphérique, anciennement à la tête d’Atmo Grand Est, souligne pour sa part l’intérêt de cette étude dans un contexte de «démultiplication massive» de ces installations. Mais il regrette «des passages ambigus» dans la publication, qui mettraient en avant «l’hypothèse que les stations à charge rapide “émettent” des particules à profusion contribuant à remettre en question la transition du thermique vers l’électrique».

Bref, le travail des chercheurs américains n’a pas de quoi, selon ces deux experts, remettre en cause l’intérêt des véhicules électriques dans la transition écologique.

Au contraire : puisque les bornes semblent brasser des particules déjà existantes, pour réduire leur concentration, il faut limiter la source des émissions. «Et pour le coup, le véhicule électrique y participe», rappelle Laurent Gagnepain. Car si ces voitures émettent des particules fines – au même titre que les thermiques – notamment à cause du freinage et de l’abrasion des pneus sur la chaussée, leurs émissions d’échappement du moteur sont largement moindres.

Cette étude a tout de même le mérite d’en appeler d’autres, pour tenter d’agir sur le phénomène qu’elle met en évidence. «C’est un peu difficile de contrecarrer le mouvement d’air autour de la station, mais un filtre à la sortie de la borne pourrait être étudié», avance Laurent Gagnepain.

«Une des conclusions aurait pu être de doter les stations étudiées d’un système de récupération de la poussière filtrée, afin de vérifier la véracité du phénomène», complète Joseph Kleinpeter. Et, s’il est confirmé, de les équiper toutes pour «participer à l’assainissement local», de la station et des environs. Et puis, pourquoi pas, de «regarder au niveau des stations-service, à essence donc, s’il existe des systèmes de ventilation susceptibles de produire les mêmes effets […] et de les doter d’un système de récupération pour assainir l’air.»