Même pour les automobilistes épargnés par la migraine post réveillon, tenter de comprendre les nouvelles restrictions de circulation en vigueur à partir de ce mercredi 1er janvier pourra sembler douloureux. Certes Paris, Lyon, Montpellier, Grenoble, Rouen, Reims, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Nice, Aix Marseille, Saint-Etienne et Toulouse ont déjà mis en place des ZFE, c’est-à-dire des zones à faibles émissions qui limitent la circulation des véhicules les plus polluants. Mais une nouvelle étape est franchie en ce début d’année : dans quatre métropoles (Paris, Lyon, Grenoble et Montpellier), les règles préexistantes sont durcies tandis qu’une trentaine de nouvelles ZFE sont créées.
Tout cela était prévu par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, renforcée en 2021 par la loi «climat et résilience». Objectif : limiter la concentration dans l’air des particules fines néfastes pour la santé. Dans le détail, chaque collectivité peut instaurer quelques subtilités, ce qui implique de bien regarder les règles en vigueur près de chez soi pour éviter de s’exposer à une amende de 68 euros. A partir de 2026, les verbalisations seront automatiques, via un système de contrôle vidéo déployé par l’Etat.
Paris et Lyon, les obligées
Les métropoles ayant des problèmes récurrents de dépassement des seuils de qualité de l’air sont les premières concernées. Appelées «territoires ZFE», elles doivent obligatoirement suivre le calendrier prévu par la loi : interdiction des véhicules Crit’air 5 (voitures diesel immatriculées entre 1997 et 2000) il y a deux ans, puis des Crit’air 4 l’an dernier (voitures diesel immatriculées entre le 2001 et 2005) et cette année des Crit’Air 3 (les voitures à essence et hybrides immatriculées avant 2006 et les véhicules diesel immatriculés avant 2011). Quand la loi a été écrite, une dizaine de métropoles figuraient dans ce groupe contraint de réglementer. Il n’en reste plus que deux, Paris et Lyon. Marseille, Rouen et Strasbourg ont échappé de peu aux nouvelles obligations : en mars 2024 elles sont sorties de la liste grâce à une amélioration de la qualité de l’air.
Dans le Grand Paris, où la ZFE concerne 77 communes, environ 422 000 véhicules particuliers et 59 000 professionnels supplémentaires sont donc exclus de la circulation, selon une étude de l’atelier parisien d’urbanisme (Apur) de 2023. Mais de larges dérogations ont été accordées : les détenteurs de vignettes Crit’Air 3 pourront circuler librement les week-ends et demander un «pass» journée à 24 reprises. Au final, ces assouplissements permettent d’échapper aux restrictions pendant plus d’un tiers de l’année. Et il n’y aura pas de contrôle jusqu’à fin 2025, le temps de faire de la pédagogie auprès des automobilistes. «Les collectivités font ce qu’elles peuvent pour favoriser l’acceptabilité des mesures, du moins dans un premier temps, explique Tony Renucci, directeur général de l’association Respire. Ensuite, les dispositions vont évoluer, ce sera plus strict au fil des ans.» Les conducteurs munis d’une carte de stationnement pour personne handicapée, les associations d’intérêt général et certains professionnels (ceux approvisionnant les marchés, les déménageurs, les équipes de cinéma ou les travailleurs en horaires décalés…) seront, eux, totalement épargnés par la réglementation.
Dans les cinq communes de l’agglomération lyonnaise concernées, 46 800 véhicules devront se plier aux nouvelles règles. Néanmoins, 52 jours de dérogation au maximum seront accordés par an pour les voitures munies d’une vignette Crit’Air et les travailleurs en horaires décalés au volant de Crit’Air 3 seront exemptés d’interdiction de circulation.
Montpellier et Grenoble, les volontaires
Alors qu’elles n’y sont pas tenues par la loi, les métropoles de Montpellier et Grenoble veulent malgré tout aller plus loin dans la réglementation de leurs ZFE et appliquent elles aussi l’interdiction des Crit’air 3. C’est le cas pour onze communes (soit un tiers) de la métropole montpellieraine, mais là aussi plusieurs dérogations sont possibles, dont un pass dérogatoire pour 52 jours dans l’année ou encore un pass-droit dit «petit rouleur» pour les véhicules qui parcourent moins de 8 000 km par an et. Enfin, il n’y aura pas de contrôles au moins jusqu’à mi-février.
A Grenoble, les véhicules classés Crit’Air 3 sont désormais bannis de 13 communes, mais seulement durant la semaine et hors jours fériés. La métropole précise qu’une période «pédagogique» sans verbalisation est mise en place jusqu’au 30 juin 2025 ainsi qu’un système d’accompagnement financier pour aider les habitants à abandonner leur véhicule ou à le changer.
La liste des nouvelles ZFE
L’autre nouveauté de ce début d’année est la création de trente nouvelles ZFE dans des villes de plus de 150 000 habitants. La liste exhaustive est la suivante : Dunkerque, Lille, Douai Lens, Valenciennes, Amiens, Metz, Nancy, Mulhouse, Dijon, Annemasse, Annecy, Chambéry, Toulon, Avignon, Nîmes, Perpignan, Pau, Bayonne, Bordeaux, Limoges, Orléans, Tours, Angers, Nantes, Le Mans, Brest, Rennes, Caen, Le Havre et Béthune. Dans ces cas-là, il s’agit de respecter la première étape de création d’une ZFE, à savoir l’exclusion des véhicules dits «non classés», c’est-à-dire immatriculés avant 1997 pour les voitures et avant le 31 mai 2000 pour les motocycles et cyclomoteurs. Pour s’assurer du respect des règles, une vignette Crit’Air, à apposer sur le pare-brise du véhicule, devient obligatoire – elle coûte 3,77 euros et peut être commandée sur le site officiel du gouvernement. Chaque véhicule obtient sa classification en fonction de ses émissions en particules fines et oxydes d’azote, qui dépendent de l’ancienneté et du carburant utilisé.
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En théorie, les ZFE sont censées inciter les Français à acquérir des véhicules plus propres et à préférer les transports en commun ou le vélo. Mais les aides manquent d’ampleur, regrette Tony Renucci, de l’association Respire : «L’Etat a supprimé la prime à la conversion et a réduit le bonus écologique. C’est complètement contreproductif. Certaines métropoles proposent des coups de pouce mais ça ne sera pas suffisant. Avant, tout pouvait se cumuler : en plus des 6 000 euros de la ville de Paris par exemple, on pouvait ajouter 6 000 euros de prime à la conversion et 7 000 de bonus écologique, donc ça allait jusqu’à 19 000 euros.» De son côté, l’association 40 millions d’automobilistes dénonce une «mesure antisociale». S’il paraît irresponsable de demander, comme le fait le lobby pro voiture, «l’abrogation pure et simple» des ZFE, outil de lutte contre la pollution de l’air, ce dernier pose à raison la question de l’écologie populaire si souvent vantée par les gouvernements sous le quinquennat actuel.