Strasbourg, Marseille et Rouen sortent officiellement du «calendrier obligatoire» imposé aux zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ce mardi 19 mars, à l’issue du troisième comité ministériel consacré à ce dossier hautement sensible, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé que ces trois agglomérations n’étaient «plus en dépassement régulier des normes de qualité de l’air» et qu’elles n’avaient donc plus «aucune obligation de renforcer leurs restrictions actuelles» destinées à limiter la circulation des véhicules les plus polluants. «Depuis le début des années 2000, tous les ans dans notre pays, la qualité de l’air s’améliore», s’est félicité le ministre à la sortie du comité.
Réduire les problématiques de santé
Créées par la loi d’orientation des mobilités de 2019 puis étendues par la loi climat et résilience en 2021, les zones à faibles émissions ont été conçues pour améliorer la qualité de l’air et réduire les problématiques de santé liées aux pollutions émises par les véhicules routiers. Fondées sur le système des vignettes Crit’Air (classées de 0 à 5), ces ZFE sont actuellement mises en place dans douze grandes agglomérations métropolitaines. Mais toutes ces villes ne sont pas logées à la même enseigne. Le critère de différenciation ? La concentration moyenne annuelle de dioxyde d’azote mesurée dans ces territoires.
Selon le ministère, Strasbourg, Marseille et Rouen ont chacune obtenu le sésame pour être exemptées des dispositions les plus coercitives car elles ont enregistré, au moins trois fois ces cinq dernières années, des seuils inférieurs ou égaux au plafond des 40 microgrammes par mètre cube de dioxyde d’azote. Ces 40 microgrammes correspondent à la limite maximale imposée par la réglementation européenne. Seulement voilà : cette limite est rediscutée en ce moment même à Bruxelles car elle s’avère bien moins ambitieuse (et donc bien moins protectrice) que la ligne directrice préconisée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) - qui est de 10 microgrammes par mètre cube.
Paris et Lyon restent en dehors des clous
Pour l’heure en tout cas, Strasbourg, Marseille et Rouen quittent ainsi la zone rouge et intègrent désormais la grande famille des «territoires de vigilance» dans laquelle ont déjà basculé Toulouse, Saint-Etienne, Montpellier, Reims, Clermont-Ferrand, Nice et Grenoble. Désormais, seuls Paris et Lyon sont considérées par le gouvernement comme étant en dehors des clous et seront donc soumises à de nouvelles restrictions. La prochaine étape de contraintes, après celles relatives aux Crit’Air 5 et Crit’Air 4, n’est pas un petit détail : au 1er janvier 2025, les véhicules essence immatriculés avant 2006 et les voitures diesel numérotées avant 2011 (autrement dit, les Crit’Air 3) devront être interdites à la circulation. Un agenda contraignant que la métropole du Grand Paris a d’ores et déjà qualifié de «matériellement impossible» et reporté, au mieux, au premier semestre 2025. Aujourd’hui, au sein de ces deux zones urbaines, presque 1,55 million d’individus possèdent un véhicule Crit’Air «non classé (les plus polluants), Crit’Air 5, 4 ou 3», dont la grande majorité se trouve à Paris (1,3 million d’automobilistes).
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Voilà pour l’avenir proche des douze «territoires ZFE» actuellement en vigueur. Dix semblent épargnés par le prochain durcissement voulu par le gouvernement, deux restent dans le collimateur. Pour le reste ? Le cadre législatif oblige les trente autres communes les plus habitées de France, qui n’ont encore rien mis en place mais qui se trouvent dans l’obligation de le faire en raison de l’extension du dispositif aux communes de plus de 150 000 habitants, à installer avant 2025 une «restriction de circulation». Sauf que cette restriction est limitée aux voitures (ou véhicules utilitaires légers) hors vignettes Crit’Air et très vieilles (immatriculées avant 1996-1997), ainsi qu’aux poids lourds ayant été enregistrés au plus tard en 2001. L’exécutif ne veut pas imposer plus de limitations. L’argument avancé étant que la situation s’améliore déjà. En 2023, la moyenne de concentration de dioxyde d’azote relevée sur les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants était de 24 microgrammes par mètre cube, d’après les chiffres du ministère. En 2016, cette moyenne s’établissait à 36 microgrammes par mètre cube. En 2022, à 26 microgrammes par mètre cube.
«Nous devons poursuivre nos efforts»
Reste que dans une décision rendue en novembre 2023, le Conseil d'Etat a condamné la France à payer deux astreintes, d’un montant de 5 millions d’euros chacune, pour n’avoir pas suffisamment lutté contre la pollution atmosphérique lors des «semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023». En 2021 déjà, il avait sanctionné l’Etat d’une astreinte de dix millions d’euros. Puis en 2022, il avait réclamé la somme de vingt millions d’euros, au motif que l’Etat ne mettait pas tout en œuvre pour faire baisser les niveaux de pollution de l’air. «Nous avons conscience que nous devons poursuivre nos efforts», assure-t-on du côté du cabinet de Christophe Béchu.
Selon une étude commandée par l’OMS et publiée le 13 mars dans la revue Nature Communications, 86,3 % des Européens vivent encore dans des territoires exposés au dioxyde d’azote. «Nous soulignons les améliorations apportées au contrôle de la qualité de l’air, mais nous insistons sur la nécessité de prendre des mesures ciblées pour lutter contre des polluants spécifiques et leurs effets combinés, en particulier dans un contexte de hausse des températures», écrivent les auteurs dans leur article scientifique.