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Près de 30 °C à Paris, 28 °C à Lille et Caen… Le nord de la France en surchauffe précoce

La capitale française était la plus chaude d’Europe jeudi, mais les régions des Hauts-de-France et de Normandie ont elles aussi connu des températures inédites. Un signe du réchauffement climatique, avant un brutal refroidissement ce week-end.
Une pharmacie parisienne le 25 septembre 2023. (Magali Cohen/Hans Lucas.AFP)
publié le 2 mai 2025 à 17h35

Vingt ans jour pour jour. Paris a écrasé, jeudi, son précédent record de chaleur enregistré un 1er mai, avec 29,4 °C relevés à 16 heures, contre les 28,7 °C relevés… en 2005. Jamais il n’avait fait aussi chaud dans la capitale française le jour de la fête internationale des travailleurs depuis le début des mesures en 1873, selon Météo France. En cause : «l’épisode de chaleur précoce» qui touche l‘ensemble de l’Hexagone cette semaine, avec des températures dignes d’une fin mai ou d’un début juin – qui se poursuivent ce vendredi 2 mai.

Cet événement est «comparable» à celui de 2005 d’après l’organisme météorologique, durant lequel températures avaient même dépassé les 31 °C à Dax, dans le Sud-Ouest.

Mais cette année, la chaleur se concentrer dans le nord de la France. Paris et sa banlieue étaient jeudi la région la plus chaude de France métropolitaine – davantage que sur la Côte d’Azur ou en Corse. Il a fait 30,3 °C à Suresnes (Hauts-de-Seine), ainsi que 30,2 °C à Achères (Yvelines) et à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), fait remarquer auprès de Libération Christine Berne, climatologue à Météo France.

Une France à l’envers

Plus exceptionnelle encore, c’est la douceur en Normandie et dans les Hauts-de-France qui frappe la scientifique : «Les relevés sont moindres, certes, mais davantage inédits. Caen a atteint 28,2 °C, un record. Le plus proche avait été mesuré en avril 2018, avec 26,6 °C. A Lille aussi, avec 28,5 °C, semblable au relevé du 1er mai 2005». Le sud de la France, lui, a plus ou moins plafonné autour des 25 °C.

L’impression d’une France à l’envers est un phénomène récurrent au printemps, où des masses d’air plus douces s’établissent dans le nord du pays plutôt qu’au sud. Comme l’explique Météo France, «des poches d’air froid issues des régions polaires profitent de l’affaiblissement du jet-stream pour trouver un chemin plus aisé vers le sud», que ce soit sur la péninsule Ibérique ou le sud de la France, provoquant alors un temps plus frais, nuageux et instable, et laissant le soleil pour le Nord.

De ce fait, Paris a également été, jeudi, la capitale la plus chaude d’Europe, avec une inversion des températures marquée aussi sur le continent (un nord plus chaud que le sud). Les maximales en Espagne étaient de 27 °C, celles en Allemagne de 28 °C et en Italie de 29 °C.

Le mercure a même grimpé jusqu’à 29,3 °C à Londres, un record absolu au Royaume-Uni pour un 1er mai, le précédent (27,4 °C) datant de 1990 et mesuré en Ecosse.

«75 % des journées au-dessus des normes»

«Dans mes souvenirs d’enfance, atteindre les 30 °C en juin relevait déjà de l’exceptionnel. En 2025, ce seuil est franchi dès le 1er mai en région parisienne. La précocité de ces fortes chaleurs devient de plus en plus flagrante en France», a fait remarquer l’agroclimatologue Serge Zaka sur les réseaux sociaux. Face aux commentaires climatosceptiques évoquant un événement ponctuel, le scientifique étaye son ressenti par des données : à Paris, au mois de mai, 2 % des températures maximales journalières dépassaient les 30 degrés entre 1951 et 1980. Depuis 2000, c’est 8 %. «Soit quatre fois plus», pointe Serge Zaka. Et celui-ci rappeler qu’à l’heure actuelle, «75 % des journées sont au-dessus des normes».

Les données de Météo France abondent dans ce sens. D’ordinaire, le seuil des 30 °C est atteint à Paris autour du 16 juin. Une chaleur de plus en plus précoce donc, marqueur du réchauffement climatique : en France, le climat moyen actuel est au moins 1,7 °C plus chaud qu’à la période préindustrielle. Résultat, dans la capitale, selon les normales de saison actuelles, le premier 25 °C de l’année est enregistré autour du 19 avril. Dans les années 1970, il y a un demi-siècle, c’était le 6 mai.

Sur les 25 dernières années, un tel épisode de chaleur précoce, sur la période fin avril - début mai, ne s’est produit que quatre fois. «Avant 2000, on a quand même pu relever des températures plus élevées ponctuellement à cette période de l’année, mais pas sur une série de quatre jours», souligne Météo France.

Plus chaud, plus longtemps

Ces chaleurs exceptionnelles ne sont donc pas inédites, mais plus chaudes, et plus longues, en raison du réchauffement climatique. Pour la climatologue, il faut garder en tête le fait que le seuil des 30 °C va être atteint de plus en plus tôt dans l’année. «La saison estivale s’allonge petit à petit sur le printemps et l’automne», souligne-t-elle. «Aujourd’hui, ce ne sont plus les 30 °C qui marquent les esprits, mais les 40 °C, se désole Serge Zaka. Les 30 °C sont devenus la norme».

Après ces journées suffocantes, les températures vont baisser brutalement, dès ce samedi, en raison d’orages et d’averses. A partir de dimanche, elles atteindront 20 °C maximum dans le Sud, et jusqu’à 15 °C dans le Nord. «Ça va être la douche froide. Mais ça n’est pas non plus extraordinaire, nuance Christine Berne. Les grands écarts de températures, on vit ça de façon assez récurrente, surtout en cette saison printanière et à l’automne».