Après le glyphosate, un autre herbicide échappe à l’interdiction. L’Agence de sécurité sanitaire (Anses) a annoncé ce mardi 3 octobre l’obligation pour les agriculteurs utilisant le prosulfocarbe de respecter une zone tampon d’au moins dix mètres et de diminuer les dosages de 40 % minimum. Cette décision fait suite à une nouvelle évaluation des risques ne pouvant exclure un dépassement des seuils de sécurité pour les enfants.
Avec près de 6 500 tonnes en 2021, le prosulfocarbe est la deuxième substance active herbicide la plus vendue dans le pays. Le produit, autorisé depuis 1990 en France, est principalement utilisé sur les céréales (près d’un tiers des surfaces cultivées), les pommes de terre (plus des deux tiers) et sur certaines cultures légumières comme les carottes (plus de la moitié).
Enquête
L’Anses avait été saisie en 2022 après des dépassements de limites maximales de résidus sur des cultures non traitées directement avec le prosulfocarbe, dont des pommes, et après un pic de concentration dans l’air ambiant en Nouvelle-Aquitaine. Des voix s’élevaient ces derniers mois pour demander la non-reconduction de l’homologation de ce produit chimique, qui devait prendre fin en octobre.
Dans les deux cas étudiés, l’agence a conclu à l’absence de préoccupation sanitaire. Mais elle a engagé à une nouvelle évaluation des risques pour les riverains selon les évolutions méthodologiques les plus récentes. Conclusion : «l’Anses ne peut pas exclure, pour une exposition par voie cutanée principalement, le dépassement des seuils de sécurité pour des enfants se trouvant à moins de 10 mètres de distance de la culture lors des traitements», précise l’agence dans un communiqué.
L’autorisation de mise sur le marché en balance
L’Anses a donc décidé d’imposer de nouvelles conditions d’utilisation à partir du 1er novembre. Les agriculteurs devront utiliser du matériel permettant de réduire de 90 % la quantité de gouttelettes transportées hors de la zone traitée par l’action des courants d’air pendant l’application et respecter une distance de sécurité de 10 mètres avec les zones d’habitation, contre 5 mètres auparavant. S’ils ne peuvent pas utiliser le matériel le plus performant, la distance de sécurité passe à 20 mètres. Les doses maximales de prosulfocarbe autorisées à l’hectare ont parallèlement été réduites d’au moins 40 %.
L’Anses a demandé aux entreprises concernées de faire la preuve de l’efficacité de ces nouvelles conditions d’utilisation sur la sécurité des riverains, avec notamment des études en conditions réelles mesurant les dépôts sur des mannequins. Si l’agence estime que ces études ne sont pas probantes, elle retirera, «sans aucun délai» les autorisations de mise sur le marché.
Décryptage
En réaction, l’association écologiste Générations Futures «salue ces premières mesures» mais doute de «leur efficacité réelle». «Comment la mise en place de ces décisions sera-t-elle contrôlée ? Est-on certain que la distance de 20 mètres suffira à faire diminuer suffisamment l’exposition des riverains ? Les nouvelles études demandées par l’Anses seront réalisées par les industriels eux-mêmes et donc quelles garanties de leur impartialité pourront nous avoir ?», questionne l’organisation dans un communiqué.
De son côté, la Coordination rurale estimait en octobre dans le magazine spécialisé la France agricole que l’interdiction de cet herbicide risquait d’entraîner une réduction de «la production de blé en France d’au moins 20 %». De quoi «mettre fortement en danger la souveraineté alimentaire du pays», au moment où l’invasion de l’Ukraine par la Russie pèse déjà fortement.
Au niveau européen, l’autorisation du prosulfocarbe a récemment été prolongée jusqu’à fin janvier 2027, le temps pour l’État chargé de réévaluer le produit, le Portugal, de terminer son travail.