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Pyrénées-Orientales : la pluie apporte un «pansement» pour l’agriculture, la sécheresse demeure

Les pluies relativement abondantes des derniers jours dans les Pyrénées-Orientales offrent un peu de répit, mais leur effet est très limité dans le secteur qui en avait le plus besoin.
Dans un champ de l’arboriculteur et viticulteur Denis Basserie, à Rivesaltes, en janvier. (JC Milhet/Hans Lucas. AFP)
publié le 2 mai 2024 à 20h29

La terre asséchée des Pyrénées-Orientales n’avait pas reçu autant de pluie depuis longtemps. «Entre dimanche et lundi, il est tombé une soixantaine de millimètres dans la région de Perpignan, détaille Météo France. Une telle quantité n’était plus tombée en deux jours depuis novembre 2021.» A l’échelle du département, le mois d’avril a été excédentaire de 14 % par rapport aux normales. «C’est une bonne nouvelle à court terme mais ça n’efface pas la mauvaise nouvelle : notre climat évolue vers des sécheresses plus fréquentes. La crise n’est pas terminée. Il n’a pas plu assez pour rattraper le déficit accumulé. Il nous manquait une année entière de pluie, on vient d’en combler un dixième», explique le chercheur Wolfgang Ludwig, professeur en géosciences à l’université de Perpignan.

Les premiers mètres du sol et la végétation en surface sont les principaux bénéficiaires des averses. Un soulagement temporaire pour les agriculteurs, soumis à des restrictions d’irrigation depuis deux ans. «On a eu de la pluie bretonne, très fine et continue, on ne pouvait rêver mieux. Tout le monde est content sauf les cultivateurs de cerises car son arrivée brutale a fait éclater les fruits», explique le chef du service viticulture de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales, Julien Thiery. La saison est-elle sauvée pour les viticulteurs, arboriculteurs et maraîchers ? «Ce qui est tombé ne suffira pas, poursuit-il. S’il fait très chaud et qu’il y a du vent, ça va vite s’assécher. Avec encore 20 mm de pluie début juillet et pareil début août, la viticulture s’en tirera, mais pas l’arboriculture», dépendante de l’irrigation.

«Ce qui est mort ne ressuscitera pas»

Le sud de la vallée du fleuve côtier Agly, secteur le plus sinistré depuis le début de la crise, continue d’inquiéter. Même si la pluie, moins abondante qu’ailleurs, a «fait un bien fou», presque inespéré, selon l’arboriculteur et viticulteur Denis Basserie, installé près de Rivesaltes. «On ne crie pas victoire. Ça nous laisse un mois et demi de répit, pour la vigne c’est un pansement, dit celui qui a perdu 20 % de ses vignes et 50 % de ses fruitiers depuis le début de la sécheresse. Jusqu’ici, les sarments étaient fins comme des aiguilles. Là l’eau va permettre de faire du bois, ça va redonner un second souffle. Mais ce qui est mort ne ressuscitera pas.» Pour les vergers survivants, les averses seront bénéfiques pendant dix jours mais elles seront sans effet sur les canaux et forages d’irrigation. «Les cours d’eau et nappes ont peu réagi donc le problème reste entier dans la plaine du Roussillon. L’Agly est à sec depuis un an et demi, c’est du jamais vu», explique Hichem Tachrift, directeur du syndicat mixte des nappes du Roussillon. En amont du fleuve, le lac du barrage de Caramany reste aux deux tiers vide.

En revanche, la pluie a renfloué le secteur du Tech, autre fleuve côtier très amoindri. «On peut espérer que le débit correct se maintienne jusqu’à mi-mai», calcule l’expert, qui note que le niveau de nappes proches de la surface, alimentées par les cours d’eau, remonte. «Cela ne va pas complètement reconstituer les stocks, regrette-t-il. Certaines devraient revenir à la normale mais seulement dans cette vallée.» Les pluies sont arrivées trop tard pour les réserves souterraines, qui se rechargent l’automne et l’hiver lorsque la végétation est en dormance. La grande majorité devraient rester à des niveaux historiquement bas.