«Je suis tellement énervée, révoltée !» Au téléphone, la voix de Luciana Gatti, climatologue à l’Institut national brésilien de recherche spatiale (Inpe), grimpe dans les décibels. «Le monde est en train de manger l’Amazonie, bouillonne la scientifique. La stupidité humaine et la course à l’argent nous entraînent dans un suicide collectif.» Une colère ardente, à l’image de cette année brûlante qui dévaste la plus grande forêt de la planète – sa superficie fait deux fois la taille de l’Inde. Depuis janvier, de grands panaches de fumée surplombent le couvert végétal tropical qui s’étend sur neuf pays, asphyxiant les populations locales et des milliers d’espèces animales. En 2024, plus de 82 000 foyers d’incendie ont été signalés au cœur du «poumon vert» terrestre, selon les données de l’Inpe diffusées début septembre, faisant de ces huit derniers mois la pire période depuis vingt ans. Près de 38 300 feux ont été observés rien qu’en août, contre 17 400 en 2023 durant le même mois. Et, ce mardi 10 septembre, quelque 5 000 zones du bassin amazonien brûlaient encore. Evoquant une «pandémie d’incendies», les autorités brésiliennes ont ordonné la convocation «dans les cinq jours» d’effectifs de pompiers en plus grand nombre.
Gigantesques, les épais nuages de cendres traversent les frontières, obscurcissent le ciel des villes boliviennes, argentines et uruguayennes. Les tourbillons noirs longent même les immenses montagnes de la cordillère des Andes.