En juillet, la commune des Mureaux, dans les Yvelines, verra s’implanter une usine à l’objectif étonnant : transformer les feuilles mortes de Paris en papier recyclé. Valentyn Freshka, un inventeur ukrainien de 23 ans, affirme avoir eu cette idée lors d’une balade automnale dans un parc de Kiev. Il souhaite ainsi réduire l’impact environnemental de l’industrie papetière, qui représente près de 15 % de la consommation mondiale de bois et alimente la déforestation. «Les consommateurs au XXIe siècle ne veulent plus qu’on coupe des arbres pour cela. Nous devons trouver des alternatives», assure-t-il dans un entretien accordé à l’AFP.
De la vapeur à haute pression, sans produit chimique
Or, «une ville moyenne collecte au moins 8 000 tonnes de feuilles chaque année et le potentiel total de l’Europe dépasse un million de tonnes par an rien que pour les zones urbaines», indique le site web de Releaf Paper, la start-up qu’il a créée en 2021. L’inventeur a donc imaginé un procédé consistant à nettoyer minutieusement les feuilles mortes, puis à les broyer et les ramollir grâce à de la vapeur à haute pression, sans utilisation de produits chimiques, afin d’en extraire la cellulose. Avec 2,3 tonnes de feuilles, il est possible de produire une tonne de cellulose, selon l’entreprise. «Selon les besoins», explique celle-ci, cette pâte peut être utilisée seule ou mélangée à de la fibre de papier recyclé. Une technique écolo, selon elle, puisque la production d’une tonne de cellulose produite à partir de feuilles mortes permet d’épargner l’abattage de 17 arbres.
L’innovation de Valentyn Freshka, déjà concrétisée dans plusieurs papeteries en Ukraine et dans l’Union européenne (UE) pour produire du papier et des emballages, lui a permis d’être finaliste du «Jeune Inventeur européen», un concours organisé par l’Office européen des brevets (OEB).
Le gagnant de l’Eurovision de l’innovation ?
Son idée a été récompensée à plusieurs reprises, des Etats-Unis au Kenya. Mais son entreprise a décidé de se développer au sein de l’UE, qui lui a accordé un financement de 2,5 millions d’euros. Installé en France depuis 2022, au moment où la guerre a éclaté entre son pays et la Russie, il a affiné son invention à l’Ecole internationale du papier et des biomatériaux de Grenoble. Une vingtaine de personnes de sa société sont désormais accueillies à Paris, à la Station F, une pépinière de start-up.
Mais Releaf Paper n’a pas cessé ses activités en Ukraine et ce malgré la guerre : «Nous sommes ukrainiens, c’est une façon de soutenir notre économie», déclare-t-il à l’AFP. L’entreprise a déjà de gros clients tels que L’Oréal, Weleda ou Logitech et ne compte pas s’arrêter là : 16 millions d’euros seront investis en 2025, en partie financés par l’UE. Valentyn Freshka espère remporter le prestigieux prix de cet «Eurovision de l’innovation» organisé par l’OEB, dont le grand gagnant sera révélé à Malte, le 9 juillet.
Les produits de Releaf Paper sont vendus 10 % à 30 % plus cher que le papier recyclé. Le jeune patron assure toutefois que les coûts diminueront avec l’augmentation de la production. Son usine aux Mureaux devrait produire 5 000 tonnes de cellulose chaque année et 25 000 tonnes de feuilles ont d’ores et déjà été réservées auprès de la ville de Paris. Si une partie de ces feuilles mortes peut contribuer au verdissement de l’industrie papetière, cette matière organique représente cependant un terreau fertile pour la biodiversité des espaces verts.