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Restauration de la nature : les eurodéputés approuvent un texte pour préserver les écosystèmes

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Après une âpre bataille politique qui a contribué à l’édulcorer, la législation a fait l’objet d’un accord mi-novembre entre les négociateurs du Parlement européen et des Etats membres. Un compromis entériné ce mardi 27 février en plénière par les eurodéputés.
Paysage brumeux du bord de l'étang à Erbsenthal. (Michel Rauch/Biosphoto.AFP)
publié le 27 février 2024 à 15h39

Enrayer le déclin de la biodiversité en imposant de réparer les écosystèmes abîmés. Voilà l’objectif visé par le texte clé du Pacte vert européen approuvé ce mardi 27 février par les eurodéputés réunis à en plénière à Strasbourg, avec 329 voix pour et 275 contre. Après une âpre bataille politique qui a contribué à l’édulcorer, la législation, pointée du doigt par les agriculteurs pendant la crise de janvier, a fait l’objet d’un accord mi-novembre entre les négociateurs du Parlement européen et des Etats membres. Un compromis désormais entériné.

Pollution, urbanisation, exploitation intensive… Selon Bruxelles, 80 % des habitats naturels dans l’Union européenne sont dans un état de conservation «mauvais ou médiocre» (tourbières, dunes, prairies particulièrement), et jusqu’à 70 % des sols sont en mauvaise santé. Le texte voté vise ainsi à imposer aux Vingt-Sept d’instaurer, d’ici à 2030, des mesures de restauration sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’Union, puis, d’ici à 2050, sur l’ensemble des zones qui le nécessitent. Les Etats seront tenus d’établir des feuilles de routes nationales précises, jusqu’en 2032 dans un premier temps.

Bruxelles souhaitait imposer un objectif contraignant de non-détérioration, c’est-à-dire de maintien en bon état, sur les zones ayant fait l’objet d’une restauration. Etats et eurodéputés ont préféré fixer une simple obligation à prendre des mesures, sans contrainte de résultat. Des flexibilités existeront pour les pays couverts majoritairement d’un seul type d’écosystème, comme les pays scandinaves, et des dérogations sont prévues pour les énergies renouvelables ou infrastructures militaires.

Dans leur mandat de négociation voté mi-juillet, les eurodéputés avaient supprimé complètement l’article concernant les terres agricoles. Il a finalement été rétabli suite aux pourparlers avec les Etats, mais sous une forme nettement assouplie. Les Etats devront prendre des mesures «visant à parvenir à des tendances en hausse» d’ici fin 2030 pour deux de trois indicateurs (papillons de prairies, carbone dans le sol, part des terres agricoles «à haute diversité»), avec des objectifs de population d’oiseaux communs en campagne.

Stopper les déclins des pollinisateurs

Par ailleurs, 30 % des tourbières drainées utilisées en agriculture devront être restaurées d’ici 2030 (dont au moins un quart en les réhumidifiant), 40 % d’ici 2040 et 50 % d’ici 2050. L’idée est de raviver ces puits de carbone naturels et réserves de biodiversité. Mais des «souplesses» seront possibles pour les Etats les plus concernés, et la remise en eau restera «facultative» pour les agriculteurs et propriétaires privés. Enfin, les Etats sont tenus de stopper le déclin des populations des pollinisateurs d’ici 2030 au plus tard, avant d’en accroître la population, avec une surveillance régulière.

En revanche, l’objectif indicatif proposé par Bruxelles pour l’extension de zones «à haute diversité» (haies, étangs, arbres fruitiers…) sur 10 % des terres agricoles à l’échelle de l’UE (et non par exploitation) a très tôt disparu, face à la bronca des eurodéputés de droite, qui disaient y voir une menace possible pour la sécurité alimentaire.

A la demande des eurodéputés, un dispositif a été introduit pour suspendre l’application des dispositions du texte en cas de circonstances «exceptionnelles», en particulier de «graves conséquences sur la disponibilité des terres nécessaires pour assurer une production suffisante pour la consommation de l’UE». Ce «frein d’urgence» serait déclenché par la Commission européenne pour une durée d’un an maximum.

3 milliards d’arbres supplémentaires

Les Etats seront contraints de ne pas diminuer leurs surfaces d’espaces verts et arborés en ville en 2030 par rapport à 2021 (à moins qu’ils constituent déjà 45 % des écosystèmes urbains), puis de continuer à les renforcer.

Le texte prévoit de supprimer les obstacles (par exemple certains petits barrages obsolètes) sur les fleuves et rivières afin d’atteindre au moins 25 000 km de cours d’eau «libres» d’ici 2030 pour une meilleure «connectivité naturelle».

A même échéance, les Etats devront avoir adopté des mesures permettant une évolution «positive» sur plusieurs indicateurs forestiers : carbone, populations d’oiseaux, quantité de bois mort sur pied et au sol… Sur ce dernier point, l’application tiendra compte des risques d’incendie dans les régions très sèches. L’objectif indicatif de planter au moins 3 milliards d’arbres supplémentaires dans l’UE d’ici 2030 a été inscrit dans la législation.

Environ 115 milliards d’euros du budget européen 2021-2027 seront disponibles pour la biodiversité. Bruxelles estime que chaque euro investi rapportera entre 8 et 38 euros, via les avantages d’écosystèmes sains (dépenses de santé, pollinisation, qualité des sols, moins d’inondations, atténuation climatique, stocks de poissons préservés….). D’ici un an, la Commission devra évaluer les besoins financiers de restauration naturelle et l’ensemble des ressources disponibles au niveau européen.