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Occitanie

Sécheresse : dans l’Aude, un village privé d’eau le soir et la nuit

L'eau, une ressource essentielle et menacéedossier
Dans une région en proie à la sécheresse depuis trois ans, Durban-Corbières a vu son château d’eau se vider. La commune est ravitaillée par des camions-citernes et le maire espère obtenir des financements pour réparer le réseau d’eau potable.
Durban, vue sur le village et la château de la commune. (Jc Milhet/Hans Lucas)
par Laureline Condat
publié le 22 juillet 2024 à 18h44

A Durban-Corbières, dans l’Aude, l’eau est coupée chaque soir à partir de 21 heures et jusqu’à 6 heures le lendemain matin : le château d’eau étant quasi à sec, le maire de ce village de quelque 650 habitants contraint les habitants à la sobriété. «On a été obligés de prendre cette mesure draconienne», justifie le maire, Alain Laborde, pour que le niveau du réservoir communal remonte. Depuis jeudi 18 juillet, des camions-citernes approvisionnent le village. Une aide qui a permis de limiter la durée des coupures, qui commençaient chaque jour dès 14 heures depuis le 15 juillet.

«Le moment le plus dur qu’on ait connu»

A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Comme les Pyrénées-Orientales voisines – Perpignan n’est qu’à 40 kilomètres –, la zone traverse une sécheresse particulièrement intense et durable. Les nappes phréatiques, pas assez alimentées depuis deux ans, se retrouvent à sec. «Ces dernières années, la pluviométrie est de plus en plus faible, déplore l’édile. En 2023, 332 millimètres d’eau sont tombés, contre 400 ou 500 normalement. Jamais en vingt ans on n’était tombé aussi bas.» Cette année, la cascade a même disparu, d’après Jean-Claude Arié, un homme de 81 ans né dans le village : «C’est normal qu’elle ne coule pas l’été. Mais là, elle n’a pas coulé du tout, pas même cet hiver.»

Des coupures d’eau, Durban-Corbières en avait l’habitude dans les années 50 et 60, d’après ce villageois, mais elles étaient devenues un mauvais souvenir. L’année 2021 a marqué un tournant. «C’est le moment le plus dur qu’on ait connu», se désole Jean-Claude Arié. Cet été-là, la commune avait traversé une crise semblable à celle d’aujourd’hui durant les mois de juillet et d’août ; elle avait déjà dû être ravitaillée par des camions-citernes. L’acheminement de l’eau par camion se paie au prix fort et cela ne peut être une solution pérenne. C’est pour faire face à de telles situations délicates qu’Emmanuel Macron avait lancé en mars 2023 le «plan Eau». Il visait notamment à sécuriser l’alimentation des collectivités en tension grâce à la réparation ou le renouvellement des canalisations pour limiter les fuites d’eau. Durban-Corbières faisait partie des «points noirs» pour lesquels il y avait urgence. «Ce plan, je n’en ai pas vu la couleur, s’indigne Alain Laborde. Je l’ai un peu en travers de la gorge.»

«Les sécheresses longues deviennent de plus en plus probables»

L’Aude, et plus généralement l’Occitanie, a toujours été concernée par des épisodes de sécheresse plus ou moins forts. Une particularité de cette zone géographique liée à son climat méditerranéen, rappelle Wolfgang Ludwig, professeur en géosciences à l’université de Perpignan et spécialiste de l’eau. Mais, avec le changement climatique, «les épisodes de sécheresse deviennent de plus en plus fréquents et les sécheresses longues deviennent de plus en plus probables», note Wolfgang Ludwig. D’après lui, selon les scénarios les plus pessimistes, il est tout à fait possible que la région connaisse à l’avenir des sécheresses de… huit années.