Le camion-benne est enfin arrivé devant l’immense chêne feuillu. Il a fallu serpenter dans les rues inondées de Lewin-Brzeski, progresser au milieu des courants brunis d’un mètre et demi de profondeur, défigurer en chemin quelques panneaux de signalisation métalliques et tronçonner une branche d’arbre géante pour quitter cette ville polonaise et atteindre le lieu de la mission. Mais les 38 hommes en treillis sont désormais descendus du fourgon et s’activent sur un talus, disposés en file indienne. Sur leur gauche, la rivière nommée Nysa Klodzka est sortie de son lit. A droite, séparée par le terre-plein d’herbe boueuse, une nappe aquatique recouvre un champ sur lequel on ne voit plus que la cime des buissons. Les militaires se transmettent un à un les 150 sacs en plastique bleu sortis du véhicule, noués et emplis de sable. Le soleil se couche dans une heure, jeudi 19 septembre, et leur travail ne fait que commencer. Ils ont reçu l’ordre d’ériger une digue afin d’empêcher le cours d’eau déchaîné de se déverser, en raison d’une brèche qu’il a créé dans le talus, dans l’éphémère étang qui afflue lui-même jusque dans la commune de 5 700 habitants, à 100 mètres de là.
Vendredi 20 septembre, 10 heures. Artur Kotara, le maire de Lewin-Brzeski, envoie un SMS pour un point de situation. L’armée est parvenue à déposer 100 tonnes de sable au cours de la nuit, en réitérant quinze fois l’opération. Remarquable, mais insuffisant. «Le mur n’est que partiellement achevé. Nos frigos et nos