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Décryptage

Temps pluvieux en France, canicule en Espagne : pourquoi une telle différence ?

L’Hexagone constitue en ce moment un îlot de fraîcheur au sein de l’Europe, où la chaleur écrase notamment l’Espagne et la Scandinavie en cette fin de mois de mai. Explications.
Ces deux dernières semaines, la France était sous l’influence d’une goutte froide d’altitude, en raison d’un anticyclone de blocage dit en oméga. (Jeff Pachoud/AFP)
publié le 27 mai 2024 à 20h34

Le contraste est saisissant. Au nord des Pyrénées, le temps est maussade depuis la mi-mai et devrait encore l’être toute la semaine, selon les prévisions de Météo-France ce lundi 27 mai 2024. Mais de l’autre côté de la chaîne montagneuse, l’Espagne se prépare à des températures estivales et devrait bientôt étouffer sous 40 °C, prévus ces prochains jours par l’Agence météorologique nationale espagnole (Aemet).

«Cette semaine en France, on attend des cumuls de pluie supplémentaires qui s’ajouteront à ceux déjà remarquablement copieux de ce mois de mai», anticipe auprès de Libération Olivier Proust, prévisionniste à Météo-France. Il poursuit : «Ce mois-ci, nous avons eu une récurrence d’air froid d’altitude [une goutte froide, ndlr] qui a favorisé le bourgeonnement des nuages jusqu’à l’averse. Cette goutte froide a aussi donné peu d’ensoleillement et des courants frais sur tout le pays» qui ont conduit à ce temps inlassablement maussade.

20 °C en France, 40 °C en Espagne

Désormais, la situation atmosphérique se débloque, mais de nouvelles perturbations plus classiques amènent à leur tour leur lot de précipitations. «Il y a un gros contraste de température entre la zone qui est dans la circulation perturbée, comme en France où l’on ne va pas dépasser les 20°C dans une grande moitié nord, et le Sud, à l’écart de la perturbation, comme en Espagne, où il y a de l’air déjà très chaud en place», précise Olivier Proust. Et lorsque la perturbation va glisser, les températures espagnoles vont encore grimper, flirtant ainsi avec les 40°C en Andalousie, dans le sud de péninsule ibérique.

«Il n’y a rien d’exceptionnel climatologiquement parlant, tempère toutefois le prévisionniste. Tant en termes de précipitation, puisqu’il n’y a pas de record, qu’en termes de fraîcheur, qui n’est pas remarquable du tout. De même, la chaleur en Espagne va être marquée, mais il ne devrait pas y avoir de records.» Selon l’Agence météorologique nationale espagnole, il a déjà fait 41°C en mai à Séville.

Ces deux dernières semaines, la France était sous l’influence d’une goutte froide d’altitude, en raison d’un anticyclone de blocage dit en «oméga» – du nom de la lettre grecque (Ω) en forme de fer à cheval – installé au niveau de la mer Baltique. «Pour simplifier, quand on est dans les pieds de l’oméga, on a de la pluie. Quand on est dans la bosse, on a des canicules», détaille Olivier Proust. Le mercure continue d’ailleurs de s’affoler en Scandinavie ce lundi 27 mai, avec près de 30°C enregistrés en Finlande.

Le réchauffement climatique, s’il n’a pas d’incidence sur les circulations météorologiques, a un impact sur les conséquences de ces situations de blocage, note Olivier Proust. «Les masses d’air, plus chaudes, peuvent accueillir plus d’eau en leur sein, ce qui cause des précipitations potentiellement plus importantes. Et la chaleur dans la partie anticyclonique de l’oméga, elle, est plus caniculaire encore.»

Records de chaleur dans le monde

«Ces épisodes pluvieux et de fraîcheur en France ne remettent pas en cause le mécanisme du réchauffement climatique», abonde Guillaume Séchet, prévisionniste et fondateur du site Météo Villes. Il n’y a qu’à regarder autour de nous, nous sommes presque un cas isolé sur la planète, puisque la chaleur frappe le reste du monde».

De fait, les records de chaleur tombent les uns après les autres en Afrique, où il a fait 47°C au Sénégal, au Mali, ainsi qu’en Algérie en cette fin de mois de mai. Jusqu’à 42°C ont également été enregistrés dans le sud de l’Algérie et la Libye enchaîne les journées à 45°C. Côté Amériques, Mexico bat une nouvelle fois son record de chaleur avec 34,7°C. De plus, 19 Etats du pays dépassent les 45°C. Du jamais vu. Même chose en Inde, où le mercure a atteint les 50°C dans le Nord-Ouest. Au Pakistan, où il fait «de 6 à 8°C» de plus que les normales saisonnières, 26 millions d’enfants auront été privés d’école pendant une semaine pour se protéger des vagues de chaleur, rapporte l’ONG Save the Children.

Finalement, malgré la pluie et la fraîcheur en France, le mois de mai ne devrait être ni plus ni moins que dans les normales de saison. «Entre -0,5°C et +0,5°C d’anomalie de températures, Météo France qualifie le mois de normal. Ce qui devrait être le cas pour mai 2024», souligne Olivier Proust. Une première depuis plus de deux ans puisque chaque mois (sauf avril 2023, dans la moyenne) a enregistré des anomalies chaudes. Selon les dernières prévisions, le début de mois de juin devrait retrouver des niveaux au-dessus des normales saisonnières.

Mise à jour le 28/05 : à 13 h 45 avec des détails sur Mexico.