Pédaler pour relancer, dans la joie, la lutte écologique. Pour sa troisième édition qui démarre ce samedi 1er juin à Nantes (Loire-Atlantique), le tour de France d’Alternatiba mise sur «la joie», «l’énergie», «l’enthousiasme» des actions locales. «Nous sommes entrés dans l’ère du dérèglement climatique. La peur et l’angoisse ont pris le dessus dans le récit. Dans ce contexte, nous voulons faire entendre notre voix pour une société de demain faite d’entraide, de partage et de justice sociale», explique la porte-parole du mouvement pour le climat, Emma Tosini.
Au fil de conférences, spectacles ou concerts, Alternatiba veut remettre du positif dans l’engagement écolo. L’objectif est de «montrer que la transition n’est pas quelque chose que l’on subit. Cela peut être une opportunité», déroule Ophélie, l’organisatrice de l’étape lilloise du 24 juin. La jeune femme veut «militer joyeusement» et «toucher d’autres publics». Cela passe par une adaptation du discours. Moins parler des constats et mettre plus en avant les propositions. «Je préfère partager mes recettes végé plutôt que de parler de la fonte du permafrost», sourit-elle. «Son» étape dans le Nord a été pensée pour agglomérer des associations et des collectifs «pas forcément estampillés écolos mais compatibles avec notre vision du monde, comme un atelier de réparation de vélos, par exemple». Cécile Duflot, DG d’Oxfam et marraine du tour, salue l’initiative comme une bulle d’air dans une campagne pour les européennes qui laisse peu de place à l’environnement, pendant que l’écologie politique est à la peine.
Agir plutôt que se contenter de dénoncer
Le contexte est, en effet, morose pour les défenseurs de l’environnement. «On observe un recul écologique partout. Les masques tombent, les promesses ne se concrétisent pas, regrette Christophe Cassou, climatologue, parrain du tour et membre d’Alternatiba depuis sa création en 2013. Le temps des grands discours est révolu, nous sommes dans le moment de l’action.»
Analyse
Agir plutôt que se contenter de dénoncer, c’est le mot d’ordre de la centaine d’étapes prévues le long d’un parcours de 5 000 kilomètres qui doit s’achever à Marseille le 4 octobre. A bord de vélos 3 et 4 places «symbolisant l’action collective», une équipe de 13 personnes se relaiera pour pédaler tout long du trajet. A chaque arrêt, les militants organiseront, en lien avec les associations locales, un événement festif et des initiatives d’adaptation au changement climatique ou défendront des actions de transformation, comme, par exemple, la construction de bacs potagers à Dunkerque le 22 juin, ou l’extension citoyenne de pistes cyclables à Lille le 24 juin. «Depuis quelques années, le mouvement pour le climat mène beaucoup d’actions de résistances, mais on manquait d’un projet pour mettre en avant les alternatives et les transformations portées par les citoyens», analyse Emma Tosini. «Ce tour veut mettre l’accent sur l’adaptation locale pour responsabiliser les acteurs locaux», complète Christophe Cassou.
«Les plus carrés»
Mouvement citoyen «pour le climat et la justice sociale» né dans le Sud-Ouest en 2013, Alternatiba s’est structuré en groupes locaux jusqu’à devenir «les plus carrés» dans la galaxie écolo, dixit Cécile Duflot. Pour l’ancienne ministre du Logement, cette initiative est «un antidote efficace» au «recul de l’intérêt pour la politique». C’est un «mouvement motivant, qui apporte de l’énergie, un moment d’accès à l’engagement pour plein de gens».
Selon Emma Tosini, certaines étapes sont d’ores et déjà organisées par des personnes pour qui il s’agit du premier engagement écolo. «Partout, les citoyens s’organisent pour pallier l’inertie délibérée du gouvernement. La meilleure façon de lutter contre l’éco-anxiété, c’est de passer à l’action. On sait bien que certains veulent s’engager mais sans être prêts à prendre des risques juridiques ou physiques. En valorisant d’autres formes d’engagement, on permet à chacun de trouver sa place», détaille-t-elle.
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Alternatiba a fait évoluer le format de ses tours en fonction de l’évolution du mouvement écologiste et de l’actualité. Le premier, en 2015, partait de Bayonne pour arriver à Paris et visait d’abord à créer des groupes locaux. Le deuxième, en 2018, a réuni 70 000 personnes, selon les organisateurs, l’année de la sortie du rapport spécial du Giec sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, des marches pour le climat et deux ans après la création de sa branche dédiée à la désobéissance civile «Action non-violente COP21 (ANVCoP21)» – connue pour ses décrochages des portraits de Macron dans les mairies. Il comprenait notamment des ateliers de formations à l’action directe dans tout le territoire.
Cette composante plus militante est conservée dans le tour 2024. Plusieurs étapes vont ainsi faire la part belle à des luttes locales comme la protection de l’étang de Thau à Sète le 1er septembre ou contre le projet de contournement routier à Montpellier le 2 septembre. Si l’adaptation est une nécessité, les efforts pour atténuer le réchauffement climatique ne doivent pas cesser pour autant.