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Urgence

Un «appel au secours» pour stopper la pêche à l’anguille menacée d’extinction

Alors que les populations d’anguilles se sont effondrées de 90 % depuis les années 80, des scientifiques, pêcheurs et la Ligue pour la protection des oiseaux appellent à l’instauration d’un moratoire sur la pêche en France.

Pour Allain Bougrain-Dubourg, «65 tonnes de civelles pêchées, cela représente 220 millions d’individus : imaginez l’impact que cela a sur une espèce déjà en danger». (Maxime Gruss/Hans Lucas. AFP)
Par AFP
Publié le 20/10/2025 à 18h16

«Nous lançons aujourd’hui un appel au secours car on assiste à l’agonie de l’espèce», a alerté ce lundi 20 octobre le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Allain Bougrain-Dubourg, lors d’une conférence de presse. «L’Etat refuse de prendre la mesure élémentaire qui s’impose : un moratoire sur la pêche» recommandé par les scientifiques, a-t-il déploré. Les populations de l’anguille européenne se sont effondrées de 90 % depuis les années 80, et même de plus de 99 % par rapport aux années 60, en raison de la dégradation de ses habitats naturels et de la pêche, rappelle l’association.

Depuis 2008, l’Union internationale pour la conservation de la nature considère l’espèce comme «en danger critique d’extinction». En 2022, le Conseil international pour l’exploration de la mer a recommandé l’arrêt de toute pêche à l’anguille, à tous les stades de son développement. Or la France est «un des derniers pays européens à autoriser la pêche à l’anguille» et celle de ses alevins, les civelles.

«Irresponsabilité gouvernementale»

Un projet d’arrêté gouvernemental, en consultation jusqu’au 24 octobre, prévoit de fixer à 55 tonnes pour 2025-2026 puis à 43 tonnes pour 2026-2027 les quotas de pêche sur l’espèce, contre 65 tonnes actuellement. «C’est dérisoire et insuffisant», dénonce Bougrain-Dubourg. «Soixante-cinq tonnes de civelles pêchées, cela représente 220 millions d’individus : imaginez l’impact que cela a sur une espèce déjà en danger.» «On empêche l’espèce de se reproduire. On ne peut pas continuer comme ça», abonde le biologiste français Gilles Bœuf, ancien président du Muséum national d’histoire naturelle.

«Il y a une forme d’irresponsabilité gouvernementale», estime le vice-président de la Fédération nationale de la pêche en France, Jean-Paul Doron. La France reçoit sur ses côtes une importante partie des civelles qui parviennent en Europe grâce au Gulf Stream, depuis la mer des Sargasses (Atlantique ouest), leur unique zone de reproduction.

Les civelles pêchées sont consommées, pour 40 % d’entre elles, tandis que 60 % sont relâchées dans d’autres zones à des fins de repeuplement. Mais sur cette partie, le taux de mortalité des alevins est très élevé, et il n’existe aucune traçabilité qui permette de voir le devenir des survivants, explique la LPO. Et la civelle est victime d’un fort trafic illégal, le kilo pouvant se négocier de plusieurs centaines à quelques milliers d’euros, notamment en Asie.