Qui aurait pu prédire un tel essor des énergies renouvelables ? Au cours de l’année 2023, le monde a installé 50 % d’énergies renouvelables en plus par rapport à 2022, selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié ce jeudi 11 janvier. Quelque 507 gigawatts de capacités électriques, issues pour les trois quarts du secteur solaire photovoltaïque, ont ainsi été mis en service l’an dernier. Soit l’équivalent de l’équipement actuel de l’Allemagne, la France et l’Espagne réunies. «Un bond énorme, historique», s’est réjoui le directeur de l’institution, Fatih Birol.
Plus forte croissance «jamais vue en trente ans»
Outre ce constat réjouissant, l’AIE anticipe pour les cinq ans à venir la «plus forte croissance» jamais vue en trente ans. «Dans les conditions de marché et en l’état des politiques actuelles, la capacité mondiale serait multipliée par 2,5 d’ici à 2030», chiffre le directeur de l’AIE.
Ce grand bond en avant est en partie dû à la Chine, qui a enregistré une hausse de 66 % du nombre de nouvelles éoliennes sur un an. Pays le plus émetteur de gaz à effet de serre au monde, Pékin se tourne donc désormais vers les énergies vertes afin de limiter son utilisation de combustibles fossiles. Au premier trimestre 2023, les capacités photovoltaïques du pays ont ainsi atteint 228 GW, soit plus que celles du reste du monde combiné. Et géant asiatique voit encore plus loin : il a récemment fait sortir de terre la plus grande éolienne offshore jamais construite. Aussi haute que la tour Eiffel, cette éolienne XXL alimenterait 36 000 foyers par an en énergie.
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L’Europe, les Etats-Unis ou encore le Brésil ont aussi atteint des niveaux inédits. Les nouvelles installations photovoltaïques et éoliennes terrestres prévues jusqu’en 2028 devraient plus que doubler dans ces pays. L’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient sont également salués dans le rapport pour leurs progrès.
Des technologies plus compétitives
Comment un tel sursaut a-t-il pu se produire ? Comme l’explique l’AIE, l’an dernier a notamment vu les prix des modules photovoltaïques baisser de près de 50 % sur un an, rendant cette technologie beaucoup plus compétitive. Et ce mouvement devrait se poursuivre avec la montée observée des capacités manufacturières. Pour chaque dollar investi dans les combustibles fossiles, 1,70 dollar est désormais consacré aux énergies propres. Cinq ans auparavant, les deux types d’énergies se trouvaient sur un pied d’égalité.
En conséquence, l’AIE évoque une «vraie chance d’atteindre l’objectif» fixé par la COP28 de Dubaï. Lors de cette grand-messe du climat organisée en décembre, 197 Etats – et l’Union européenne – se sont engagés à tripler les capacités mondiales d’énergies renouvelables d’ici à 2030. «On s’approche [de cet objectif], se réjouit l’organisation internationale, et les gouvernements ont les outils nécessaires pour combler la différence.» Pour autant, ce rythme ne suffit pas encore, déplore l’AIE, qui met l’accent sur les besoins de financements des pays émergents et en voie de développement.
Un potentiel longtemps «sous-estimé»
«Ces dynamiques illustrent un phénomène que l’on avait du mal à imaginer il y a encore une décennie», analyse Eric Vidalenc, directeur régional adjoint de l’Agence de la transition écologique (Ademe) dans les Hauts-de-France et pilote des scénarios de neutralité carbone de l’Ademe. Alors que la situation sur le front climatique se dégrade et «va malheureusement continuer de se dégrader dans les prochaines années», ajoute-il, il faut dans le même temps «mettre en place des solutions, dont font partie intégrante les énergies renouvelables». Il s’agit pour lui de «toute la complexité du message à faire passer» : panser une plaie qui ne s’arrêtera pourtant pas de saigner.
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Cette hausse «démontre le potentiel immense, et auparavant largement sous-estimé, des énergies renouvelables pour limiter le réchauffement climatique», avance de son côté Camille Defard, cheffe du centre énergie de l’Institut Jacques-Delors. Et la chercheuse en politique européenne de l’énergie de compléter : «Leur déploiement, permis par la baisse drastique des coûts de production, est beaucoup plus facile à mettre en place en France que des aménagements dans d’autres secteurs. Le bâtiment, la mobilité ou l’industrie ne sont eux, au contraire, pas sur la bonne trajectoire.»
Alors que la planète vient de connaître son année la plus chaude jamais enregistrée, la transition énergétique vers des énergies bas carbone s’avère indispensable. Les renouvelables représentent le levier le plus important pour remplacer charbon, gaz et pétrole, ces combustibles fossiles qui sont les principaux responsables du réchauffement climatique. Selon le scénario élaboré par l’AIE en octobre 2023, la demande mondiale de chacun des combustibles fossiles devrait notamment atteindre un point culminant d’ici à la fin de la décennie, avant de diminuer. La part de ces combustibles fossiles dans l’approvisionnement énergétique mondial, autour de 80 % depuis des décennies, passerait alors à 73 % d’ici à 2030. Ce serait alors, résume l’instance, «le début de la fin de l’ère des énergies fossiles».