Au dernier pointage, il avait perdu près d’un mètre. Comme tous les deux ans, une équipe de géomètres-experts a gravi le Mont-Blanc pour le mesurer au moyen d’outils de haute précision: leurs conclusions dévoilées ce jeudi 5 octobre fixent le point culminant de l’Europe à 4805,59 mètres, soit plus de deux mètres de moins qu’en 2021.
Bardées d’outils de pointe et équipées pour la première fois d’un drone, une vingtaine de personnes réparties en huit cordées sont allées au sommet en septembre afin d’effectuer plusieurs jours durant des relevés point par point au sommet du géant blanc. Les géomètres-experts étaient accompagnés cette année par l’ex-star du biathlon Martin Fourcade qui, passionné de montagne, a dépeint le mont Blanc comme «une source inépuisable de fascination».
Lors du précédent relevé, en 2021, plusieurs chercheurs avaient expliqué à Libération qu’il fallait prendre ces mesures avec des pincettes, notamment sur les conclusions qu’on pouvait en tirer sur les effets du dérèglement climatique. «J’ai tendance à penser que cette fluctuation est surtout liée aux processus de transport de neige par le vent proche du sommet, et n’a pas de signification directe notamment sur le plan climatique», déclarait ainsi Samuel Morin, glaciologue et directeur du Centre national de recherches météorologiques. La taille du Mont-Blanc est un sujet «ni pertinent, ni inquiétant, ni significatif», tranchait même Christian Vincent, de l’Institut des géosciences de l’environnement. «Le sommet du mont Blanc est une crête de neige et de glace balayée par les vents continuellement. Cela génère de l’accumulation de neige ou au contraire de l’érosion.»
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Il s’agit de la 12e édition de cette opération qui vise notamment à modéliser la calotte glaciaire et à collecter des données scientifiques sur l’impact des évolutions climatiques sur les montagnes alpines, précisent les participants à cette initiative, lancée en 2001 par la Chambre départementale des géomètres-experts de la Haute-Savoie et qui regroupe aujourd’hui plusieurs partenaires.
Initialement, les résultats de ces relevés ne devaient être communiqués que «20 ans plus tard», indique sur le site du projet un participant à deux expéditions, précisant que «l’engouement» suscité a convaincu les organisateurs de rendre les données publiques avant terme.
Prudence des géomètres
Lors de la dernière expédition du même type, en 2021, le toit des Alpes avait été mesuré à 4 807,81 m, soit près d’un mètre en moins par rapport à la mesure réalisée en 2017 (celle de 2019, très basse, avait été tenue «secrète» car jugée peu représentative). A l’inverse, c’est en 2007 qu’avait été relevée l’altitude la plus élevée (4 810,90 m).
Reportage
Ces variations n’ont rien d’étonnant, avertissent les géomètres, car «depuis la nuit des temps, l’altitude du Mont-Blanc oscille continuellement». Le sommet «rocheux» de la montagne culmine à 4 792 m, mais c’est l’épaisseur de la couche de «neiges éternelles» qui le recouvre, fonctionnant comme une énorme congère, qui «varie en fonction des vents d’altitude et des précipitations», avaient-ils détaillé en 2021. L’altitude du sommet varie également selon les saisons, le Mont-Blanc étant un «complexe dunaire» où le vent, plus violent en hiver, rabote davantage la neige qu’en été. Le sommet est donc plus haut à la fin de la belle saison qu’au printemps.
Alors que la fonte des glaciers s’accélère sous l’effet du réchauffement climatique, qui affecte particulièrement l’arc alpin, l’un des membres de l’équipe, Denis Borel, avait appelé à «rester humble» et à ne «pas tirer de conclusion hâtive sur des mesures qui ont été réalisées uniquement depuis les années 2001 avec la précision» actuelle.
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«Nous mesurons, nous constatons […]. Nous sommes là en tant que sentinelles de l’environnement», avait-il ajouté. Il revient désormais aux «climatologues, glaciologues et autres scientifiques d’exploiter toutes les données recueillies et d’avancer toutes les hypothèses pour expliquer ce phénomène».
Les glaciers européens, particulièrement vulnérables à la hausse des températures en raison de leur altitude relativement basse, ont perdu environ un tiers de leur volume entre 2000 et 2020, selon des données compilées par des scientifiques. La fonte subie par les glaciers des Alpes françaises durant l’été 2022 a été décrite comme «exceptionnelle», représentant environ 5 à 7 % de la masse glaciaire restante selon des glaciologues.