La liesse à la Concorde, le silence à la Bastille
20 heures, sous l'Obélisque: «Les enfants, c'est la fête».
Il ne dit rien, s'éponge le front, regarde alternativement sa montre et l'écran vidéo qui transmet les informations dans un camion studio garé place de la Concorde. Jusqu'à 19 heures, Christian Lenoble, organisateur de l'éventuelle fête populaire qui doit célébrer la victoire de Chirac, a juré que, si Jospin gagnait, «on remballait tout». A 19h45, lorsque les policiers l'interrogent, il glisse: «C'est bon. C'est bon.» Mais, par principe, ni le podium, ni la sonorisation, ni les lumières ne doivent être branchées avant l'annonce officielle des résultats. Sur la place, pour l'instant, aucun moyen d'information. Seulement la radio de poche, le bouche à oreille. «Tiens, dit un homme en tendant l'écouteur à sa femme, prend un petit coup de Juppé.» Comme Lenoble, elle roucoule. «C'est bon, c'est bon.» Brusquement, l'organisateur bondit: «Attention les enfants, c'est la fête». Le visage de Jacques Chirac vient de remplir l'écran de télévision. Président. Il est 20 heures. Christian Lenoble fait le V de la victoire. En 1981, à la Bastille, il était déjà l'organisateur de la fête pour François Mitterrand. «J'étais jeune, c'était mon travail. Alors je n'ai pas dit non. Mais déjà, j'étais chiraquien de coeur. Là, je suis enfin heureux.»
La foule arrive. Peu à peu, puis rapidement. Cinq, dix, vingt mille aux alentours de 22h30. Avertisseurs, cris. La joie forte, pure. Souvent sans