Mururoa, envoyée spéciale
Sur le comptoir, il y a des verres de pastis. Et au bar, des hommes. Ils regardent la journaliste qui poudre son nez dans la lumière des projecteurs, sur cette terrasse où tourbillonne un vent tiède et qui pourrait être celle d'un paquebot dans la nuit. Mururoa est un navire immobile ancré sur un pic de basalte où, six heures plus tôt, le premier tir nucléaire de la présidence Chirac a fait mousser le lagon et vibrer l'atoll.
Alors que la mer, secouée par cet orage sous-marin, déployait des vagues laiteuses, à Papeete un officier du Sirpa se penchait à l'oreille des journalistes. La plupart, dans cette salle de presse, attendaient depuis des heures, se ruant sur le moindre communiqué avec la voracité des affamés. Enfin, ils sont invités à se rendre à l'aéroport de Faa. Décollage à 12h30. Vol de l'armée et plateau-repas d'Air France. Les militaires avaient parfaitement orchestré la séquence qui suivait le premier tir de cet ultime campagne. Il aurait été plus simple de transporter le général Paul Véricel, directeur du centre d'expérimentation nucléaire, de Mururoa à Papeete, mais acheminer, dans l'autre sens et par Transaal, une vingtaine de journalistes, dont quatre de la presse étrangère, était un symbole de la volonté de communication de la Grande Muette.
«Nous poursuivons nos efforts de transparence.» Micro à la chemise et oreillette à la tête, le général Véricel joue le jeu dans ce faré de Mururoa. En bordure de lagon, ce studio, qui domine la mer