Rue de la Berne, au centre de tri Saint-Lazare à Paris, la banderole
des grévistes tient bon depuis neuf jours. A l'entrée du local, Pierrot, un grand costaud en bomber et bonnet de laine qui gagne 7 884 francs après quinze ans de Poste monte la garde. «L'autre jour, il y a quatre skinheads qui sont passés. Finalement, ils se sont contentés de filer des coups de pied dans les ascenseurs. Heureusement, parce qu'à quatre contre un...» Par ailleurs, on craint la direction. «Au centre de Paris-17, ils ont forcé le piquet de grève.» Alors on occupe jour et nuit ce qu'on a la permission d'occuper: les seuls locaux syndicaux, avec une kitchenette au rez-de-chaussée, un cagibi transformé en chambre et salle de bains, et les bureaux du premier étage. A côté, les non-grévistes travaillent, enfermés à clef par la direction.
Ici, dans ce centre du VIIIe arrondissement, l'action est unitaire. Elle réunit la CGT, FO et Sud-PTT, «le syndicat qui monte», comme en rigolent les autres. Mais aussi des non-syndiqués, comme Emmanuel: «Moi, si je suis là, c'est essentiellement parce que les syndicaux se battent. Mais si un jour ils font des conneries, je ne les suis plus.» A part Louis, agent de maîtrise payé 11 500 francs par mois avec vingt-huit ans de Poste, délégué CGT, tous sont jeunes. 30 ans en moyenne.
«On n'a pas vécu de conflit auparavant. C'est notre premier. On n'est pas des pros, c'est clair. Mais on apprend à se connaître, et ça préfigure bien l'avenir. Certains jours, on va voir les c