Londres, envoyé spécial
Cela sent encore la mort. Mais, comme un vieux remugle, sucré et froid, de sang, de tripes, de bidoche oubliée dans le bas d'un frigo. En toile de fond, le silence. Un chuintement de vapeur, sorti de la scie à carcasse. Une goutte qui tombe et délaye lentement en rouge, un peu de sang qui s'est figé, dans la cuve aux tripes.
Au milieu, le propriétaire de cet abattoir de Farnborough, dans le Hampshire, Mark Newman, 37 ans, immobile. Rien à dire, tant sa mine est parlante. Une semaine qu'il n'a rien tué. Avant, 40 bestiaux par jour. Puis la crise.
Vendredi dernier, Newman a mis cinq de ses employés en chômage technique. Vendredi prochain, si rien ne change, il fermera, sans doute. C'est la vache folle, l'angoisse spongiforme.
Ce matin, David, boucher à Farnham, est venu faire un tour. Mais il n'achète rien, depuis lundi. «En trois jours, j'ai vendu huit fois plus de poulets que d'habitude.» Mais pas de boeuf. «Ils n'en voudraient pas si je le leur donnais», répète-t-il comme une excuse.
«Je sais», dit Mark.
De l'étable voisine, s'élève un meuglement. C'est Ascot, une frisonne noire et blanche de 5 ans, oubliée là. En sursis depuis quatre jours. La chambre froide est pleine. 120 demi-carcasses glacées qui virent au jaune. Les prix, en une semaine, ont chuté de 70%. Sur le flanc des demi-bêtes, le vétérinaire local a apposé le cachet ovale (CEE) autorisant l'exportation vers le Marché commun. Newman l'indique du doigt, avec une ironie amère.
Ce mercredi, les j