Istanbul de notre correspondant,
Le vieux Seyhmuz Tepe est heureux. Son fils Hüseyin, 21 ans, l'a appelé hier d'Italie. Il était sur le cargo Ararat échoué samedi au large de la Calabre. «Il prie maintenant pour que l'Etat italien accepte qu'il travaille comme chauffeur.» Il veut commencer une nouvelle vie, là ou en Allemagne, comme des milliers d'émigrés kurdes. «Le consulat allemand lui a refusé deux fois un visa. Après son service militaire, nous lui avons acheté un taxi. Ça m'a coûté plus de 10 milliards de livres! (300 000 F, ndlr). Mais il voulait absolument partir là-bas. Pas mal de ses amis y sont déjà, dont sa petite amie. Il disait tout le temps, depuis qu'on avait quitté Bismil (province de Diyarbakir, sud-est du pays) en 1994, que la vie était pénible à Istanbul.» Vieux cargos. Depuis que les portes de l'Europe se sont fermées pour eux à la fin des années 70, des dizaines de milliers de Turcs et de Kurdes essaient par tous les moyens de franchir illégalement les frontières pour trouver un travail en Occident. Par la route, en traversant la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie, ou via la Macédoine et l'Albanie, puis par canot à moteurs vers les côtes des Pouilles, en Italie. D'autres tentent directement la voie maritime sur de vieux cargos surchargés partant des ports turcs de la mer Egée. «Avant le départ, dans l'imagination de beaucoup de Turcs, l'Europe incarne le paradis car il y a du travail, la Sécurité sociale, et les patrons sont corrects», note Roger Esta