Lop Buri envoyé spécial
Le monumental bouddha blanc est indifférent à la fumée que dégage le crématorium du monastère Phrabatnampu. Une fumée éphémère, neutre, sans odeur. Alors qu'elle commence à disparaître dans les cieux, un autre cadavre décharné est glissé dans le four crématoire. En moyenne, deux malades du sida meurent chaque jour au Wat Phrabatnampu. Tout à côté, dans le dortoir du temple, des dizaines de malades en phase terminale prient en silence. Ils attendent la mort. L'abbé du monastère, le bonze Alongkot Tikkaranyo, glisse entre les lits, caresse le visage des uns, leur chuchote des prières, en encourage d'autres à se lever, à marcher. «Nous ne soignons pas les malades du sida, explique-t-il, nous les aidons à mourir.» Dirigé par douze bonzes, dont dix sont eux-mêmes séropositifs, le Wat Phrabatnampu, dans la province de Lop Buri, à 150 kilomètres au nord de Bangkok, est le plus important centre d'accueil de malades du sida en Thaïlande. Rejetés par leurs familles, quelque 300 sidéens vivent aujourd'hui dans le monastère. 7 000 autres attendent d'être acceptés. Pour l'heure, faute de place, le monastère n'accueille que les cas les plus sérieux.
Ferme et potagers. C'est pour cette raison que l'abbé Alongkot Tikkaranyo, 45 ans, ancien ingénieur formé en Australie, a lancé un projet ambitieux mais controversé: élargir son monastère à l'échelle d'une commune entièrement autosuffisante, où les malades pourraient vivre et mourir à l'écart complet de la société thaïl