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Libération
Éditorial

La censure du marché.

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publié le 1er juillet 1998 à 6h56

Est-il normal que le film de Pierre Carles, qui pose un regard

indiscret sur le monde de la télévision, soit interdit d'antenne? Dans cette société médiatique qui fait profession de liberté, d'impertinence, de refus des tabous, poser la question c'est y répondre. Ce film diffusé par une grande chaîne belge, circulant depuis longtemps sous forme de cassettes ou de projections privées, serait donc caché au public, alors même que ledit public marque un intérêt manifeste pour son contenu? Absurde, ridicule, injustifiable. On objectera que ces images sont régies, comme beaucoup de choses en ce bas monde, par le droit commercial. Mais qu'est-ce qu'une société où le droit de propriété devient en quelque sorte sacré et l'emporte, en tout état de cause, sur la liberté d'informer et sur le droit de savoir? Faudrait-il que la censure de l'Etat soit prorogée par la censure du marché? En refusant, à travers toutes sortes d'arguties de circonstance, de passer le reportage incriminé, la télévision contredit ses propres professions de foi et écorne son image publique. S'il est permis de faire un commentaire tactique, elle réussit même à transformer en brûlot un film au contenu somme toute peu surprenant et en martyr un réalisateur qui se contente d'agir en mauvais coucheur des médias. C'est la raison pour laquelle, quoi que nous pensions de l'objet en question, Libération publie aujourd'hui l'essentiel de l'émission occultée. Ainsi chacun pourra-t-il en juger, autrement que par ouï-dire.