Jean-Pierre Dionnet anime la seule véritable émission de téléphilie sur le petit écran: Destination Séries, deux fois par mois sur Canal Jimmy. Cinéphile certifié, il est bien placé pour parler du transfert de la passion des films vers l'amour des séries.
Comment expliquez-vous le phénomène d'identification quasiment planétaire à Friends?
J'ai eu du mal à m'intéresser à Friends. Je trouvais ça sympathique mais pas vraiment passionnant. Ça a commencé à m'intriguer quand j'ai vu avec quelle voracité le cinéma se jetait sur les acteurs de la série. Mais c'est à la dernière cérémonie des Emmy Awards (1), à laquelle j'assistais, que j'ai compris l'ampleur du phénomène et que je me suis rendu à l'évidence: les séries télé sont devenues aussi grosses que le cinéma. Elles sont le concurrent direct du cinéma et souvent, elles rapportent beaucoup plus d'argent. La raison, outre leurs qualités d'écriture, c'est que ces productions sont élaborées, réalisées et raffinées dans le système américain lui-même. Elles sont travaillées par l'Amérique et à destination de l'Amérique. Cet enracinement leur confère à nos yeux une dose de vérité relative, que nous ne trouvons pratiquement plus dans le cinéma, parce que le cinéma américain est une industrie planétaire: les films sont conçus pour plaire au monde entier. Et cette apparence d'universalisme nous les rend presque étrangers. A l'inverse, les séries américaines sont si profondément ancrées dans la réalité et dans l'imaginaire