«Regardez ce que vous écriviez à l'époque: on ne savait pas
grand-chose.» C'est martelé. Répété. Un argument qui devrait faire raison de tous les autres. La presse ne sera pas entendue au procès du 9 février, mais elle sera prise à témoin. L'équipe de Laurent Fabius a ainsi distribué à chaque journal «ses» petites coupures. Pour renvoyer chacun à ses propres fautes. Convoquée comme témoin des années d'incertitude par la défense des trois ministres, ou, au contraire, des certitudes scientifiques par les juges, la presse a aussi été placée sur le banc des prévenus. Par une partie de l'intelligentsia, qui lui reproche de s'être transformée en «procureur» , d'avoir été «amnésique» ou, même, d'avoir puisé ses informations dans les eaux boueuses de l'extrême droite (1). Autant de raisons d'aller y voir de plus près.
1985: alerte sur la transfusion «Sida: état d'urgence.» Avec une pleine page de une, le Matin de Paris sonne l'alarme dans son édition du 14 juin 1985. Le sous-titre est explicite et le ton presque comminatoire. «Homosexuels et toxicomanes ne sont plus les seules victimes. Chaque semaine, en France, de 100 à 200 personnes hommes, femmes, enfants risquent de contracter le virus par simple transfusion sanguine. Les tests permettant un dépistage systématique existent, leur mise en service tient à la décision du ministre de la Santé, Edmond Hervé.» Le même jour, le Quotidien du médecin et Libération évoquent la sous-estimation par les pouvoirs publics du risque de conta