Elisabeth Badinter est philosophe. Elle est l’auteur de X Y, de l’identité masculine.
Cela vous a-t-il ennuyé, vous femme de gauche, que les sénateurs de droite utilisent votre nom pour argumenter leur refus d’inscrire la parité dans la Constitution?
Non. La proposition de modifier la Constitution n'émane pas d'un camp mais du président de la République et du Premier ministre. C'est dire que, s'il y a, à gauche comme à droite, des gens pour la parité, il y en a aussi qui y sont réticents. C'est normal, la parité n'est pas une affaire politique, c'est avant tout une affaire de principe, de philosophie.
Depuis le vote des sénateurs, des intellectuelles de gauche ont rejoint votre position, expliquant que la parité n’est pas une mesure progressiste car discriminante. C’est nouveau dans le débat?
Oui. Il y a encore quelques semaines, si on était contre la parité, on était machiste, sénile et d'extrême droite, en quelque sorte «boutinisé». Par le passé, beaucoup de femmes de gauche contre la parité m'ont dit: «Surtout, ne citez pas mon nom.» Elles étaient sur mes positions mais pensaient que c'était indicible, sauf à apparaître comme traîtresses à leur camp. Que des femmes expriment aujourd'hui leur désaccord, cela montre qu'on a peut-être soulevé le couvercle du politiquement correct. Le paradoxe du vote du Sénat, c'est qu'il a levé la chape du conformisme. Des femmes se sont enfin décidées à se positionner contre la parité. Je crois que le débat peut enfin commence