Alain Blum est chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences
sociales (EHESS) et à l'Institut national des études démographiques (Ined). Il est spécialiste de l'histoire des populations et de la statistique en Europe. Les résultats des recensements apportent-ils des surprises, des données inattendues?
Ils n'ont pas apporté de surprises proprement dites, mais plutôt confirmé certains faits. On savait évidemment qu'il y avait eu des morts lors de la Première Guerre mondiale. Mais le recensement a permis de confirmer l'ampleur de la catastrophe, de détailler une pyramide des âges. Plus tard, on a précisé les configurations géographiques de la désertification rurale. Les recensements n'ont jamais révolutionné la connaissance qu'on a des choses, mais plutôt modifié en profondeur les modes de représentation. Ils ont conduit à percevoir différemment les modes d'action et les politiques sur le social. Quelles sont les questions qui sont apparues et celles qui ont disparu?
Quand l'Etat se préoccupe de l'hygiène et de la santé des populations, on a beaucoup de questions sur les anomalies mentales, la folie, les infirmités. C'est révélateur de la crainte de l'Etat par rapport à la marginalité. Ces questions disparaissent à la fin du XIXe siècle. Au même moment, pour bien mesurer l'industrialisation, on pose beaucoup de questions sur l'activité professionnelle. Un peu plus tard, la tendance est aux questions sur l'appartenance sociale, alors que les perceptions hiérarchiques devienne