L'un des experts les plus avisés de l'affaire du sang contaminé
qui n'était pas présent au procès se dit aujourd'hui «catastrophé» par ce qu'il a lu dans les comptes rendus d'audience. Il a le sentiment d'avoir vu les «faits les mieux établis» disparaître des débats, au point de considérer ce procès comme un «recul». C'est en partie vrai. Mais si l'obscurité persiste sur certains points, un peu de lumière s'est faite sur d'autres. La sélection des donneurs à risque. Tous les jours, la Cour de justice de la République a tenté de creuser un paradoxe sanitaire. Dès juin 1983, le ministère de la Santé a été suffisamment prévoyant pour diffuser une circulaire destinée aux établissements de transfusion sanguine, qui posait les jalons de la sélection des donneurs à risque. En revanche, il a été suffisamment inconscient pour ne pas se donner les moyens de vérifier la mise en oeuvre de son texte. Si bien que la France a eu le taux le plus élevé de contaminations transfusionnelles en Europe. Les conditions de la rédaction de cette circulaire ont été mieux cernées. «Il n'y avait pas encore de cas de contamination, mais le risque théorique était réel, a ainsi expliqué le docteur Jean-Martin Cohen-Solal, ancien membre du cabinet d'Edmond Hervé. Il fallait alerter sans stigmatiser. Il fallait pointer des groupes à risque, sans les désigner à la vindicte.» Ce document fut signé par Jacques Roux, directeur général de la santé et non par le secrétaire d'Etat à la Santé. «C'est moi qui a